Chronique ouvrière

Le "retrait de confiance" à la rescousse de l’exclusion hors norme du syndicat de site CGT PCA Poissy

TJ Bobigny 8 décembre 2022.pdf

L’article 1 des statuts de l’Union départementale des syndicats CGT des Yvelines affirme que celle-ci agit pour un « syndicalisme démocratique ». L’article 4 des statuts de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT proclame que « la démocratie constitue le principe fondamental de toute la démarche syndicale ».

Le syndicat de site CGT PCA Poissy a é été pris dans une tourmente bureaucratique qui a mis en évidence que cette référence à la démocratie syndicale relève uniquement de l’ordre du communiqué lorsqu’il s’agit de se débarrasser d’un syndicat ayant pour tort une activité trop dynamique et revendicative.

I. Une « désaffiliation » intervenue en dehors de la procédure d’exclusion prévue par les statuts de la CGT.

Il résulte de l’article 2 des statuts de la Confédération Générale du Travail (CGT) que la CGT est composée de syndicats, d’unions locales interprofessionnelles, d’unions départementales interprofessionnelles et de fédérations professionnelles.

Les statuts de la Confédération affirment que le syndicat est « la base de toute la CGT ». Ils précisent qu’il doit adhérer à une fédération et à une union départementale pour pouvoir être confédéré.

La fédération ou l’union départementale dont relève un syndicat se voient reconnaître une faculté d’intervention au moment de l’entrée d’un syndicat dans la confédération. Les statuts leur reconnaissent une possibilité d’opposition au motif que le syndicat candidat à l’affiliation confédérale manquerait d’indépendance ou ne satisferait pas au respect des valeurs républicaines.

L’article 8 des statuts de la Confédération indique que « l’affiliation d’un nouveau syndicat à la CGT est acquise sauf opposition de sa fédération ou de son union départementale, relative à l’indépendance, au respect des valeurs républicaines ».

Une fois que le nouveau syndicat a obtenu son affiliation à la CGT, en cas de manquement grave ou d’actes contraires aux statuts confédéraux, la confédération et elle seule peut se prononcer sur une éventuelle exclusion de la CGT dans le cadre de la procédure définie par les statuts confédéraux. Au regard des termes de l’article 25 des statuts de la Confédération, la « désaffiliation » d’un syndicat se traduit par son « exclusion » de l’organisation confédérée.

L’article 25 expose les différentes étapes de la procédure d’exclusion.

« En cas de manquement grave ou d’actes contraires aux présents statuts, le CCN, sur proposition de la commission exécutive confédérale, peut décider de l’exclusion d’une organisation confédérée.

Celle-ci devra préalablement être entendue. Elle pourra faire appel de la décision devant le congrès confédéral.

Le comité confédéral national décide si l’exclusion prend effet immédiatement. En cas d’appel auprès du congrès confédéral, l’appel a un effet suspensif ».

L’article 25 précise également quels sont les effets de l’exclusion de la confédération : « L’exclusion emporte l’interdiction de conserver et d’utiliser le sigle CGT, l’interdiction de disposer des locaux, des biens, des archives et de la liste des adhérents ».

En tout état de cause, seule la conduite jusqu’à son terme de la procédure d’exclusion prévue par l’article 25 des statuts de la Confédération Générale du Travail (CGT) serait de nature à justifier une interdiction qui serait faite à un syndicat ayant obtenu son affiliation à la CGT de faire état de son appartenance à cette confédération.

Une telle procédure n’a jamais été engagée à l’encontre du Syndicat CGT PCA Poissy.

De surcroît, ni la FTM CGT, ni l’UD CGT n’ont pris de décision d’exclusion (ou de désaffiliation) à l’encontre du syndicat en cause. A aucun moment, en effet, l’exclusion du syndicat de site CGT PCA Poissy n’a été portée à l’ordre du jour d’une réunion d’une instance dirigeante, voire d’un congrès, de la FTM-CGT ou de l’UD CGT 78. (Il peut être relevé que les statuts de ces instances ne comportent aucune disposition permettant d’exclure un syndicat adhérent).

Ce qui n’a pas empêché la FTM CGT de faire assigner devant le juge du Tribunal judiciaire de Bobigny seize militants du syndicat de site CGT PCA Poissy aux fins de leur voir interdire de se prévaloir de leur appartenance à la Confédération Générale du Travail, de leur faire interdire d’utiliser les logos et sigles de la Confédération Générale du Travail et d’assortir ces s d’une astreinte de 1 000 euros par infraction constatée.

II. Les « caprices » de bureaucrates syndicaux validés par une surprenante consécration judiciaire d’un « retrait de confiance » se suffisant à lui-même.

Les militants de la CGT mis en cause ont attiré l’attention du juge des référés sur l’absence d’exclusion de leur syndicat de de la confédération CGT. Ils lui ont demandé en conséquence de constater que les membres du syndicat de site CGT PCA Poissy étaient parfaitement légitimes à se revendiquer de leur appartenance à la CGT et à utiliser tous les signes témoignant de leur affiliation à cette confédération.

Par son ordonnance du 8 décembre 2022, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bobigny a néanmoins donné suite aux demandes d’interdiction qui lui étaient présentées par la FTM CGT après avoir reconnu qu’aucune procédure d’exclusion de la CGT n’avait été engagée à l’encontre du syndicat de site CGT PCA Poissy mais en jugeant qu’il suffisait que la FTM CGT et l’UD CGT 78 lui aient « retiré leur confiance » pour que ce syndicat ne puisse plus être considéré comme restant un syndicat confédéré à la CGT. Le juge des référés en a conséquence déduit qu’il convenait de faire cesser le trouble manifestement illicite constitué par l’usage du sigle et du logo de la CGT par les militants du syndicat mis en cause.

L’admission d’un syndicat, prononcée par l’organe chargé de l’administration de l’union de syndicats, oblige le groupement affilié à verser une cotisation et à conformer aux engagements imposés par les statuts de l’union, sous peine d’exclusion (voir, à ce sujet, J-M. VERDIER, Syndicats et droit syndical, volume I, Dalloz, 1987, 345 et s.). L’exclusion, prérogative attachée au pouvoir disciplinaire d’un syndicat ou d’une union de syndicats, ne peut intervenir sans que soient préalablement observées les garanties résultant de l’observation d’une procédure disciplinaire, dont les différentes étapes sont détaillées par les statuts de l’organisation syndicale (voir J-M. VERDIER, op.cit., 358 et s.). Il s’agit de veiller à ce que les droits de la défense soient assurés : « l’adhérent doit être mis en mesure de se justifier, et, par suite, être averti des griefs retenus contre lui et des documents opposés, recevoir convocation en temps utile devant l’organe disciplinaire » (J-M. VERDIER, op. cit., 365).

Les organes de direction d’une union de syndicats ne peuvent donc en principe priver une organisation affiliée de sa qualité d’adhérent sans avoir préalablement mené à son terme une procédure disciplinaire d’exclusion. Le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bobigny a fait œuvre originale en décidant qu’un simple « retrait de confiance », intervenu en dehors des toutes les garanties attachées à l’observation d’une procédure disciplinaire, pouvait suffire à interdire au syndicat de site CGT PCA Poissy de se prévaloir de son appartenance à la CGT.

Le parallèle s’impose avec le droit du licenciement.

Celui-ci admet comme mesure légitime d’exclusion d’un salarié le « licenciement pour perte de confiance ». Mais, depuis 1990, la Cour de cassation précise qu’« un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs ; que la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue en soi un motif de licenciement » (voir J. LE GOFF, Droit du travail et société, Tome I, Les relations individuelles de travail, PUR, 2001, 820).

Il sera également rappelé que, depuis une loi du 13 juillet 1973, le licenciement doit être précédé d’une procédure, se caractérisant par la tenue d’un entretien préalable (voir G. AUZERO, D. BAUGARD, E. DOCKES, Précis Dalloz de Droit du travail, 36e éd. 599).

Le salarié que l’employeur veut exclure de l’entreprise pour « perte de confiance » doit donc, avant qu’intervienne la mesure de licenciement, avoir la possibilité de présenter son point de vue sur la réalité et le sérieux des éléments objectifs mis en avant pour justifier cette « perte de confiance ».

Il s’agit donc de mener jusqu’à son terme un « travail d’objectivation » permettant de se prononcer sur la légitimité de la mesure d’exclusion (voir J. LE GOFF, op. cit. 821).

« Comme le dit un philosophe, commentant Karl Popper : « Une connaissance est objective quand elle peut être justifiée indépendamment du caprice de chacun et si elle peut être contrôlée par n’importe qui » » (cité par J. LE GOFF, op.cit., 819).

En faisant interdiction aux seize militants du syndicat de site CGT PCA Poissy de se prévaloir de leur appartenance à la CGT, en se fondant sur un simple « retrait de confiance », intervenu en dehors de toute procédure permettant une discussion contradictoire portant sur des éléments objectifs, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Bobigny s’est tout bonnement plié aux « caprices » de quelques bureaucrates syndicaux.

C’est ce qu’on pourrait appeler plus élégamment l’affirmation d’une conception institutionnelle de la liberté syndicale.