Chronique ouvrière

Les arrêts maladie n’empêchent pas de de vivre intensément sa passion pour le badminton

samedi 4 mars 2023 par Pascal MOUSSY
Arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023.pdf

Avec son arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation a fait la une de l’actualité parisienne. « Des compétitions de badminton lors de ses arrêts maladie : l’agent RATP conteste son licenciement. La Cour de Cassation a donné raison à un agent de la RATP, révoqué pour avoir participé à des compétitions de badminton pendant ses arrêts maladie » ( https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/des-competitions-de-badminton-lors-de-ses-arrets-maladie-l-agent-ratp-conteste-son-licenciement_57468795.html ).

Un agent de la RATP, qui exerçait les fonctions d’opérateur de contrôle, a été arrêté 118 jours à la suite d’une agression ayant entraîné un choc au coude, 36 jours pour blessures au cou et au poignet et 29 jours pour bousculade ayant provoqué une blessure au bas droit. Ce ne sont pas les conséquences des violences subies par le contrôleur qui ont en tant que telles attiré l’attention de la presse parisienne mais le fait qu’il ait été révoqué pour avoir participé à quatorze compétitions de badminton pendant ses arrêts de travail.

Le contentieux suscité par cette révocation a donné l’occasion à la cour de cassation de réaffirmer une jurisprudence constante. « L’exercice d’une activité, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise ».

L’absence en raison de l’arrêt maladie est une cause de suspension du contrat de travail. « La suspension du contrat de travail emporte suspension pour le salarié de son obligation de fournir un travail et la suspension du pouvoir de direction de l’employeur. Pendant son arrêt maladie, le salarié n’est donc plus subordonné et il n’a plus de compte à rendre à l’employeur sur ses différentes activités. Il reste toutefois tenu d’une obligation de loyauté. Ce n’est que lorsque cette obligation est violée par le salarié qu’il commet une faute, susceptible éventuellement de justifier son licenciement. S’agissant d »’une obligation maintenant par exception au principe de suspension, c’est logiquement que la Cour de cassation a une interprétation stricte de l’étendue de la loyauté. Pour que la déloyauté soit démontrée, celle-ci doit avoir été préjudiciable à l’employeur » (G. AUZERO, D. BAUGARD, E. DOCKES, Précis Dalloz de droit du travail, 36e éd., 494).

« L’employeur ne saurait s’immiscer dans la vie personnelle du salarié, a fortiori lorsque celui-ci est couvert par un arrêt de travail pour maladie. Toutefois le salarié qui aurait une activité incompatible avec cet arrêt de travail, dont le but premier est de permettre à l’intéressé de recouvrer la santé, commettrait un acte de de déloyauté que l’employeur pourrait sanctionner » (M. BLATMAN, P-Y. VERKINDT, S. BOURGEOT, L’état de santé du salarié, 3e éd., 513.
Participer à un voyage d’agrément dans un pays lointain n’est pas forcément mauvais pour la santé et n’est donc pas constitutif d’un manquement à l’obligation de loyauté, étant rappelé que la circonstance que le salarié s’affranchisse de ses obligations vis-à-vis de la Sécurit sociale ne suffit pas à justifier un licenciement (Cass. Soc. 16 juin 1998, n° 96-41.558 ; Bull. v, n° 323).

Il a été fait observer à la RATP, à l’occasion d’un contentieux suscité par une précédente mesure de révocation que l’activité de pilote de rallye exercée par le salarié pendant les arrêts de travail résultant d’une maladie professionnelle affectant ses deux mains ne causait pas nécessairement un préjudice à l’employeur (Cass. Soc. 16 octobre 2013, n° 12-15.638).

L’arrêt du 1er février 2023 a eu pour préoccupation d’attirer l’attention de la RATP sur le fait qu’il n’était pas démontré que la participation du salarié, pendant les arrêts de travail qui lui avaient été prescrits, à quatorze compétitions de badminton « aurait aggravé l’état de santé du salarié ou prolongé ses arrêts du travail » et qu’il n’était donc pas établi que l’activité sportive soutenue du salarié aurait causé un préjudice à l’employeur.

On ne saurait en effet sérieusement poser comme postulat qu’en se livrant à sa passion pour le badminton pendant ses arrêts maladie, l’agent de la RATP avait nui à sa santé.

Il suffit, pour lever toute suspicion, de prendre le temps de consulter la documentation mise en ligne par la fédération française de badminton qui donne toutes les explications utiles sous le titre « Le badminton, des bénéfices nets en terme de santé » ( https://www.ffbad.org/badminton-pour-tous/tous-au-bad/bad-sante-bien-etre/les-bienfaits-du-badminton/ ).


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