Chronique ouvrière

Les "extra" ont droit aussi à l’égalité de traitement

vendredi 23 juillet 2010 par Claude LEVY

Le patronat des hôtels café restaurant va devoir revoir sa copie concernant la rémunération des « extra » dans la branche.

Sous le coup d’un procès devant le tribunal de Grande Instance de Paris à l’initiative du syndicat CGT HPE et après plusieurs débrayages comprenant entre autres cette revendication, la direction de l’hôtel Concorde La Fayette a été contrainte de négocier un accord d’entreprise portant sur l’égalité de rémunération entre les salariés sous contrat de travail à durée indéterminée et les « extra », que la CGT a signé ce 15 juillet 2010.

Non contente de menacer tout « extra » de renvoi immédiat à l’énoncé de la moindre revendication ou au moindre accrochage avec un chef de service, la direction sous payait cette catégorie de salariés par rapport à leurs collègues.

L’accord signé met fin, en partie, à l’apartheid social vécu par cette catégorie de salariés précaires sous-payés dans les HCR.

Contrairement à une idée reçue, les « extra » ne sont pas des « vacataires » ou des « journaliers » mais, en droit, des salariés sous contrat de travail à durée déterminée dit d’usage (article L 1242-2-3°).

A ce titre ils doivent bénéficier de la règle de l’égalité de traitement visée aux articles
L 1242-14 et L 1242-15 du Code du Travail.

Au terme d’un travail important de collecte de documents nourri par de multiples procédures prudhommales en requalification de contrats d’ « extra » en CDI, une assignation devant le TGI de Paris, très argumentée, a été délivrée à l’hôtel Concorde La Fayette.

Nous la mettons en ligne à usage pratique pour les lecteurs de Chronique Ouvrière.

Manifestement elle a convaincu la direction qui a du se résoudre à négocier un accord collectif.

C’est une première étape qui vise à inciter l’employeur à ne pas embaucher systématiquement en contrat d’usage mais en CDI.

En effet, tirant profit de ce véritable dumping social, des emplois permanents sont pourvus régulièrement par la direction avec des contrats d’ »extra ».

Cette pratique est pourtant prohibée par la loi (article L 1242-1 Code du Travail et L 1248-1 pour les sanctions pénales).

Un bilan sera fait sur ce point en fin d’année et d’autres actions envisagées.

Dernier point, un compromis a été trouvé concernant la notion d’ancienneté du salarié « extra » par la mise en place d’une prime de fidélité.

Cette question d’ancienneté du salarié intermittent, en cas de requalification des CDD en CDI, ne pose pas de difficultés.

La Cour de Cassation considère en effet depuis un arrêt du 7 avril 1998, Air liberté c/ Devoyon et autres, que même si le travail est intermittent, l’ancienneté remonte à la date initiale d’embauche sans exclure les périodes non travaillées.

Elle est moins évidente pour la demande d’application d’une prime d’ancienneté par un salarié qui travaille par intermittence dans l’entreprise, toujours en poste, soit parce qu’il travaille trop peu souvent pour espérer obtenir une requalification judiciaire, action synonyme d’arrêt de la relation de travail, soit parce qu’il ne souhaite par réclamer une requalification.

Sur ce dernier point, la Cour de cassation juge régulièrement que les dispositions protectrices régissant le contrat de travail à durée déterminée relatives à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée n’ayant été édictées que dans un souci de protection du salarié, l’employeur ne peut se prévaloir de leur inobservation (cassation sociale
12/2/2002 n°99-45717- 7/04/2004 02-40231 pour les AGS).

On trouvera un appui certain pour le versement de la prime d’ancienneté dans un arrêt Del Cerro Alonso C-307/05 du 13/09/2007 de la Cour de Justice des communautés européennes qui a statué sur l’interprétation de la clause 4 de l’accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18/03/1999 mis en œuvre par la directive européenne 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999 (celle qui a incité la Cour de Cassation à revirer sur le contrat d’usage dans ses arrêts du 23/01/2008 n° 06-43040 par exemple) :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’il travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives »

Dans son arrêt Del Cerro Alonso la Cour a dit pour droit :

1) La notion de « conditions d’emploi » visée à la clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, doit être interprétée en ce sens qu’elle peur servir de fondement à une prétention telle que celle en cause au principal qui tend à l’attribution à un travailleur à durée déterminée d’une prime d’ancienneté réservée par le droit national aux seuls travailleurs à durée indéterminée.

2) La clause 4, point1, de l’accord-cadre doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à l’instauration d’une différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée qui serait justifiée par la seule circonstance qu’elle est prévue par une disposition législative ou réglementaire d’un Etat membre ou par une convention collective conclue entre les représentants syndicaux du personnel et l’employeur concerné.

Reste à déterminer comment décompter l’ancienneté pour un salarié qui intervient par intermittence dans l’entreprise.

Vaste sujet ouvert au débat !

Annexes :

Assignation devant le TGI de Paris.pdf
Accord d’établissement du 15 juillet 2010.pdf

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