Chronique ouvrière

Essai - non paiement du salaire - prise d’acte de la rupture : Rupture de l’essai abusive ou LSCRS ?

mercredi 15 février 2012 par Alain HINOT
Paris 13 Juillet 2011.pdf
Cass Soc du 7 février 2012.pdf

L’on sait que les dispositions propres aux licenciements des CDI ou aux ruptures avant terme des CDD ne sont pas applicables pendant la période d’essai.

Ainsi, la rupture de l’essai est soumise à un régime particulier qui n’exige pas de procédure et de motivation. La seule voie possible pour le salarié est alors éventuellement celle de la rupture abusive de l’essai.

Néanmoins, la Cour de cassation a pu juger à diverses reprises que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur avant ou pendant l’essai pouvait s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour les CDI (LSCRS) ou comme une rupture avant terme pour les CDD (RAT), lorsque l’employeur ne permet pas au salarié d’exécuter l’essai ou lorsqu’il invoque un motif non compatible avec la finalité de l’essai.

- CDD - Rupture avant début d’exécution hors faute grave = RAT ;
Cass soc 26 septembre 2002 n° 00-42581.

- CDI - Rupture avant début d’exécution = LSCRS ;
Cass soc 20 mars 2010 n° 08-40920 et cass soc 15 décembre 2010 n° 08-42951.

- CDI - Cause économique = LSCRS ;
Cass soc 30 novembre 2011 n° 10-30535.

A notre connaissance aucune décision de la Cour de cassation ne traite de la problématique de la nullité de la rupture de l’essai à raison d’une discrimination, d’une grève ou de la violation d’une liberté fondamentale. Une ordonnance CPH PARIS départage du 13 juillet 2011 (Avdovic c/ Tour Lafayette RG n° R 11/01327 : défenseur C. Levy), relative à la nullité de la rupture d’un essai liée à l’état de santé du salarié peut seulement être citée.

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L’arrêt du 07 février 2012 (publié au bulletin), ici reproduit laisse songeur car la haute Cour estime qu’une prise d’acte par un salarié au cours la période d’essai du fait de l’inexécution de ses obligations par l’employeur (défaut de paiement des salaires), s’analyse comme une rupture abusive de l’essai et non comme un LSCRS.

Il semble que pour les juges de cassation, la subtilité tienne au fait qu’en l’espèce la rupture était à l’initiative du salarié sous la forme d’une prise d’acte.

Pourtant dans un arrêt antérieur du 24 octobre 2011 n° 99-45068, la chambre sociale avait jugé que le défaut de paiement des salaires pendant la période d’essai permettait au salarié de "suspendre" ses propres obligations (situation qui s’analyse comme une "exception d’inexécution" et donc comme une "prise d’acte implicite") et que la rupture ultérieure de l’essai par l’employeur était alors un LSCRS.

On conseillera donc à un salarié confronté à ce type de problème, de suspendre sa prestation de travail et de laisser l’employeur prendre la responsabilité de rompre le contrat plutôt que de "prendre acte de la rupture", comme on pourrait le faire hors période d’essai.


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