Le référé médiation
Selon l’article R516-30 du code du travail :
« Dans tous les cas d’urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »
L’article R 516-31 de ce même code complète les prérogatives du juge de référé prud’homal : « La formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier ou même ordonner l’exécution de l’obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire. ».
Les pouvoirs du référé civil ont été transposés au référé prud’homal. Celui-ci dispose donc, depuis 1979, de textes qui lui permettent d’agir avec audace, efficacement, rapidement, notamment sur les litiges portant sur les créances salariales, et sur ceux liés à la rupture du contrat de travail.
Près de trente ans plus tard, force est de constater que les décisions de remise en état, de prévention du dommage imminent, ne sont pas légion. La formation de référé limite trop souvent son champ d’action à la seule remise de documents, aux salaires et accessoires du salaire, même si ces mesures sont indispensables et doivent naturellement continuer à être prononcées, dans l’intérêt des travailleurs qui attendent une réponse rapide.
Le conseil de prud’hommes de Valence vient de balayer d’un revers de manche tous ces pouvoirs en instituant le « référé médiation » payant, la négation de la prud’homie. Mlle Girardey a été engagée en avril 2007, en qualité de garde d’enfants au domicile de madame Blanc. N’ayant reçu, en espèces, qu’une faible partie de ses salaires de mai et juin, elle a pris l’initiative de rompre le contrat par courrier de « démission » du 12 juillet 2007 en précisant que. Madame Blanc lui devait 1318 euros. Le 17 juillet, la salariée indique à son employeur « qu’elle lui laisse 15 jours pour régler ce qui est dû et lui remettre les documents que celui-ci est tenu de lui délivrer. Elle fait alors référence à la requalification de la rupture en licenciement puisque sa démission est « le fruit de la non observation de l’obligation de paiement régulier du salaire ». Elle précise enfin qu’elle pourrait convenir d’un échelonnement de paiement dans le cadre d’un accord écrit, à condition que madame Blanc ait établi la déclaration d’emploi de juillet et lui ait remis le certificat de travail et l’attestation ASSEDIC. Madame Blanc se proposant de lui verser 50 euros par mois, Mlle Girardey a dû saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes de Valence devant laquelle elle demande, entre autres, ses salaires, heures supplémentaires, repos compensateur, l’attestation ASSEDIC , l’indemnité conventionnelle de préavis et la réparation d’une rupture qu’elle estime abusive.
La défense soutient que la formation de référé est « incompétente » pour connaître des heures supplémentaires et du repos compensateur et conclut que l’article 1382 du code civil ne figure pas dans la convention collective. Elle ne s’oppose pas à la demande de salaires et reste muette sur les bulletins de paye, l’attestation ASSEDIC et le certificat de travail.
Pour toute décision, le conseil proposera une médiation que les parties acceptent. Mlle Girardey est teni de verser 150 euros et, si la médiation échoue, elle pourra à nouveau tenter sa chance trois mois plus tard,
Lorsque le travailleur choisit de saisir la formation de référé, son objectif premier est d’obtenir très rapidement ce qu’il réclame. C’est pourquoi les conseils de prud’hommes sont tenus d’organiser au minimum une audience de référé par semaine (R 516-32) et que les délais de départage sont fixés à 15 jours (R 516-40).
Il y a quelques années, il était de bon ton d’organiser des colloques sur la médiation civile, plus propice, selon ses adeptes, au rapprochement entre les parties au procès, plus serein, car intervenant hors des contraintes de la procédure. L’article 131-1 du Nouveau Code de Procédure Civile précise que cette médiation peut intervenir en cours d’instance devant le juge de référé. Il s’agit de trouver une solution au conflit qui oppose les parties.
La question s’est posée de savoir si ces dispositions générales étaient applicables au conseil de prud’hommes. Il n’a pas échappé à certaines cours d’appel que la médiation était susceptible de désengorger quelque peu les audiences. Elles en ont favorisé la pratique en faisant fi des dispositions spécifiques de la procédure prud’homale qui priment les règles générales (R 516-0 du code du travail). Or, l’article L 511-1 de ce même code érige en principe que la vocation première du conseil de prud’hommes est de régler par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion du contrat de travail. L’audience de conciliation, obligatoire (sauf exception prévue expressément), constitue par suite la première phase de la procédure prud’homale. Le rapprochement, qui se traduit par un procès-verbal de conciliation partielle ou totale, ne peut s’opérer qu’après que les parties aient été informées de leurs droits respectifs (Arrêt Durafroid c/Martin).
L’article 131-1 n’a pas sa place devant la juridiction prud’homale car il transgresserait les conditions dans lesquelles le rapprochement doit s’opérer sous peine de nullité. Cette pratique, heureusement limitée car dangereuse, traduit un renoncement du conseil de prud’hommes à sa vocation à tenter de concilier, au profit de médiations payantes opérées par des gens extérieurs au monde du travail.
S’agissant de la formation de référé, quelques remarques s’imposent :
Il entre dans la mission de tout juge, fut-il de référé de concilier. Le législateur a rappelé ce principe en le transposant devant les référistes par une disposition spécifique originale permettant avec l’accord des parties, la transformation de l’audience de référé en audience non publique de conciliation (R516-33).
En l’espèce, Mlle Girardey aurait dû bénéficier, dès novembre 2007 d’une ordonnance de référé sur ses salaires, le bulletin de paye manquant, le certificat de travail et l’attestation ASSEDIC.
L’employeur ayant admis devoir l’essentiel des salaires, la rupture lui était imputable puisqu’il n’avait pas rempli l’une de ses principales obligations. Cette rupture devait s’analyser comme un licenciement (article 12 du NCPC) et Mlle Girardey aurait dû se voir attribuer l’indemnité conventionnelle de préavis.
L’avocat de madame Blanc semble tout ignorer des questions de compétence (géographique ou matérielle) et son observation sur l’absence d’articles du code civil dans la convention collective aurait mérité une réplique pertinente de la formation de référé.
Au lieu et place, Mlle Girardey devra contribuer à la rémunération du médiateur. En cas d’échec de la médiation, elle aura perdu plusieurs mois, se heurtant à un véritable déni de justice.