Chronique ouvrière

Comment être gréviste sans avoir à cesser le travail ?

mercredi 30 mai 2012 par Alain HINOT
Cass Soc 9 Mai 2012.pdf

Dans un arrêt de cassation du 09 mai 2012 PB, la haute Cour vient de juger que : " la nullité du licenciement d’un salarié n’est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais qu’elle s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours de la grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde".

La formule, rendue au visa de l’art. L 2511-1 CT, pourrait paraître presque banale, mais à examiner les faits de l’espèce, cette décision se révèle très novatrice, car les juges de cassation ont du se poser une question iconoclaste : " un salarié peut-il est considéré comme gréviste s’il a été placé en mise à pied conservatoire avant même le déclenchement de la grève".

On relèvera d’ailleurs que la Cour de cassation distingue le cas de celui qui a "participé à une grève", de celui qui a seulement "commis des faits au cours d’une grève".

Jusqu’à présent, il était enseigné que pour être qualifié de grève, laquelle a pour effet de suspendre le contrat de travail, un mouvement devait revêtir plusieurs conditions : Une cessation du travail collective et concertée en vu d’appuyer des revendications professionnelles connues de l’employeur.

Or, il faut bien convenir que si le contrat de travail est déjà suspendu, surtout involontairement comme à l’occasion d’une mise à pied, la condition d’une cessation du travail n’existe pas (suspension sur suspension ne vaut ?).

Mais, d’un point de vu pragmatique, comment considérer qu’un salarié en période de suspension de son contrat de travail pourrait venir soutenir ses camarades "vrais grévistes", distribuer des tracts avec eux, occuper des locaux, manifester, etc..., tout en étant à la merci d’un licenciement hors la protection du gréviste ?

C’est ce dilemme qui est tranché par l’arrêt du 09 mai 2012 lequel s’affranchit des carcans prétoriens qui ne prennent pas toujours en compte que le droit de grève et d’abord issu de l’histoire du mouvement ouvrier, qu’il est un droit naturel, un droit à la résistance, l’ultime moyen de négociation des salariés.

D’autant que s’il est vrai que la grève est un droit individuel qui s’exerce collectivement, rien n’empêche un salarié en mise à pied, en chômage technique ou en congés, de faire prévaloir ce droit constitutionnel sur ces autres situations qui n’ont aucunement pour effet de le suspendre.


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