Chronique ouvrière

Le salarié malade pendant ses congés peut, dorénavant, les reporter au-delà

dimanche 19 août 2012 par Alain HINOT
5eme Chambre 21 juin 2012.pdf

Toujours aujourd’hui, la Cour de cassation considère que le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés ne peut exiger, sauf disposition conventionnelle plus favorable, le report du congé dont il n’a pu bénéficier du fait de sa maladie. Dès 1975, la Cour de cassation jugeait en effet que « l’employeur qui a accordé au salarié le congé prévu par la loi s’est acquitté de ses obligations pour l’année de référence sans que les divers incidents, tels que la maladie du salarié qui surviendrait pendant ce congé, puissent modifier ultérieurement l’étendue de son obligation légale » (Cass soc18 mars 1975 n° 73-40824). Ainsi le salarié malade pendant son congé annuel ne peut obtenir un nouveau congé et s’il guérit avant la fin de son congé, il doit reprendre son travail à la date initialement prévue.

Cette jurisprudence n’est plus conforme à celle de la CJUE, laquelle s’impose aux juridictions des états membre de l’UE. Dans un arrêt du 21 juin 2012 (CJUE, 21 juin 2012, Aff. C. 78/11), la Cour de justice de l’union européenne a en effet jugé qu’un salarié tombant malade alors qu’il est déjà en congés payés peut reporter les jours de congés dont il n’a pu bénéficier du fait de sa maladie.

Dans cette affaire, était en cause une disposition du droit espagnol qui permet de reporter une période de congés payés lorsqu’elle coïncide avec une période d’incapacité liée à la grossesse, à l’accouchement ou à l’allaitement. Cette disposition étant reprise par la convention collective des grands magasins, plusieurs syndicats de salariés de la branche demandaient que cette possibilité de report soit étendue aux périodes d’incapacité de travail liées à la maladie.

La Cour suprême espagnole, saisie de l’affaire, avait interrogé la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) de la question suivante : « La directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, s’oppose-t-elle à une réglementation nationale qui ne permet pas d’interrompre le congé afin de bénéficier de la totalité du congé – ou du congé restant – à une date ultérieure si une incapacité temporaire de travail survient pendant ledit congé ? ».

La CJUE a répondu par l’affirmative.

La Cour commence par rappeler que le droit au congé annuel payé doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière. Ce droit est expressément consacré par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et ne peut être interprété de manière restrictive. La Cour relève également que « la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs ». Elle diffère donc de celle de l’arrêt maladie qui est de permettre au travailleur « de se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail ».

Déjà la CJUE avait jugé en 2009 qu’un travailleur en arrêt maladie avant le début d’une période de congé payé, a le droit de prendre celui-ci à un autre moment que celui coïncidant avec la période de maladie (CJUE, 10 septembre 2009, Aff. C-277/08).

Mais dans l’arrêt du 21 juin 2012, la Cour va plus loin en ajoutant que « le moment où est survenue l’incapacité est dépourvu de pertinence ». Le salarié a donc « le droit de prendre son congé annuel payé coïncidant avec une période de congé de maladie à une époque ultérieure, et ce, indépendamment du moment auquel cette incapacité de travail est survenue ».

La Cour ajoute qu’il serait « contraire à la finalité du droit au congé annuel payé d’accorder le droit au congé payé aux travailleurs uniquement à la condition que ce dernier soit déjà en situation d’incapacité de travail lorsque la période de congé annuel payé a débuté ».

Moralité : Malades et "congés payés" de tous les pays, unissez-vous !


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