Chronique ouvrière

Fralib : pour une fois, l’Eléphant ne (se) trompe pas énormément !

samedi 1er septembre 2012 par Pascal MOUSSY
CPH Marseille 16 08 2012.pdf

Les salariés de Fralib (thé Eléphant) de l’usine de Gémenos, dans la banlieue de Marseille, se sont faits connaître par leur lutte déterminée contre leurs licenciements, programmés par le groupe Unilever.

La récente action prud’homale entreprise par douze représentants ou syndicaux du site a également été très remarquée. Elle a pour objet d’obtenir que la formation de référé du conseil de prud’hommes de Marseille ordonne à leur employeur de leur payer leur salaire, qu’il se refuse à verser en faisant valoir qu’il n’a pas à rémunérer des salariés en grève.

Les salariés demandeurs ne sont pas du tout convaincus par l’argument mis en avant par Fralib pour justifier son refus d’une bonne exécution du contrat de travail. « Comment l’employeur peut-il parler de faits de grève alors qu’il a arrêté toute activité sur le site depuis juillet 2011 ? »

Le juge des référés prud’homal a considéré qu’il lui manquait des éléments pour qu’il puisse donner la qualification appropriée au refus de l’employeur de payer les salaires.

Dans son ordonnance avant dire droit du 16 août 2012, la formation de référé relève qu’ «  il ressort des explications des parties et des pièces produites aux débats que l’affaire n’est pas en état d’être jugée » et qu’elle « n’est pas suffisamment éclairée pour rendre une décision ». Elle ordonne en conséquence la désignation de deux conseillers rapporteurs ayant mission de convoquer des représentants de la Direction et des salariés qui devront éclairer notamment le Conseil sur les points suivants :

«  Justification de l’activité pour la période du 01/01/2012 au 12/02/2012
- du site industriel
- de l’emploi du temps des salariés
- du paiement des salaires et à quel titre

Justifier l’activité sur le site pour la période du 13 février au 11 mai 2012
- paiement des salaires à quel titre ?

Pour la période du 13/02/2012 au 11/05/2012 : fournir les fiches de poste et fiches de pointage établies en concordance avec les bulletins de salaire

Rapport de l’AUDIT VERITAS qui confirme que les dispositions de mise en sécurité du site étaient conformes à la législation

Organisation progressive d’une activité sur le site : à justifier pour la période du 13 février au 11 mai 2012 »

Tout le monde s’est accordé pour présenter comme « une bonne chose » l’initiative prise par le juge des référés prud’homal de demander des éclaircissements. Et le commentaire d’Unilever, par l’intermédiaire de la sa direction de la communication, a été particulièrement approbateur : « Cela permettra de montrer que les choses ne sont pas simples ; le juge pourra aller au bout des choses, les clarifier » (http://www.laprovence.com/article/economie-a-la-une/fralib-les-prudhommes-veulent-plus-delements).

On ne peut que partager cet enthousiasme pour les mesures d’instruction décidées par la formation de référé, qui, au demeurant, tombent sous le sens à la lecture des textes.

L’article L. 1454-1 du Code du travail dispose que : « Un ou deux conseillers rapporteurs peuvent être désignés pour que l’affaire soit mise en état d’être jugée. Ils prescrivent toutes mesures nécessaires à cet effet ».

Il est précisé par l’article R. 1454-1, alinéa 2 (ancien article R. 516-21, alinéa 2)
qu’ « un ou deux conseillers rapporteurs peuvent également être désignés par la formation de référé en vue de réunir les éléments d’information utiles à la décision de cette formation ».

Les faits constitutifs d’une illégalité ne sont pas nécessairement apportés sur un plateau à l’audience du juge des référés. Celui-ci peut donc être conduit à « toucher au fond » en se donnant les moyens de recueillir les éléments d’information qui lui seront utiles pour savoir s’il y a lieu à référé ou non (voir, à ce sujet, P. MOUSSY, « Où en sommes-nous de nos amours ? (à propos de l’affirmation du référé prud’homal comme un chemin incontournable pour une défense efficace des droits des travailleurs) », Dr. Ouv. 2004, 275 et s.).

Il reste à souhaiter que la mesure d’instruction soit le prélude à une ordonnance enjoignant à Fralib de verser leur salaire aux douze demandeurs.

En ce qui concerne la question des licenciements, c’est le scepticisme qui a accueilli l’argument tiré de « difficultés structurelles » mis en avant par Unilever pour les justifier. (Unilever a connu 4,5 milliards de bénéfices en 2011, dont un milliard de plus au dernier trimestre de 2011 qu’au trimestre correspondant de 2010).

La rumeur circule que, dans la dynamique de clarification enclenchée par l’ordonnance prud’homale du 16 août, Sophie, la préposée à la com’, a proposé à Paul, le big boss, pour restaurer la confiance dans la parole de la direction du groupe, de lancer une campagne pour l’ouverture des livres de comptes d’Unilever.


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