Chronique ouvrière

Salarié protégé et déni de justice : La Cour de cassation persiste

dimanche 7 octobre 2012 par Alain HINOT
Cass Soc 6 Juin 2012.pdf

En commentaire des arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2011, il a déjà été rappelé, qu’en respect du principe dit de "séparation des pouvoirs", le juge prud’homal ne peut empiéter sur le terrain administratif en examinant la validité du motif du licenciement d’un salarié dit protégé lorsque le licenciement a été autorisé par l’inspecteur du travail, le ministre ou le juge administratif. Mais ceci supporte quelques aménagements à la marge (voir notre brèves du 25 novembre 2012- Chronique ouvrière).

Ce principe, trouve ses limites lorsqu’un licenciement autorisé résulte de l’inaptitude du salarié protégé consécutive à une faute de l’employeur (notamment en cas de harcèlement moral), et lorsque le licenciement du salarié protégé intervient avant que le juge prud’homal n’examine sa demande de résiliation judiciaire engagée pourtant avant la déclaration d’inaptitude ou lorsque le juge prud’homal décide que le salarié a été victime de harcèlement, mais ne peut pas prononcer la nullité du licenciement qu’un salarié non protégé obtiendrait logiquement.

Dans les 3 arrêts du 15 novembre 2011, la Cour de cassation trouve une solution très peu satisfaisante "si l’autorisation de licenciement accordée par l’autorité administrative ne permet plus au salarié de demander au juge prud’homal l’annulation de son licenciement en raison d’un harcèlement, elle ne le prive pas du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement".

Par l’arrêt du 06 juin 2012 ici annexé, la Cour de cassation utilise la même solution (laquelle a pour effet de défavoriser le salarié dit protégé), en nous rappelant que le principe de "séparation des pouvoirs" chéri de Montesquieu, nous vient des premières heures de la révolution française :

"Vu la loi des 16 et 24 août 1790 ;

Attendu que si elle ne prive pas le salarié du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement moral dont il a été victime, l’autorisation de licenciement accordée par l’autorité administrative ne permet plus au salarié de contester la cause ou la validité de son licenciement en raison d’un harcèlement ;".

Ainsi le salarié "protégé" n’aurait aucun moyen de faire valoir devant la juridiction prud’homale que son licenciement est nul à raison, par exemple, d’un harcèlement moral, alors que la loi est censée lui accorder une protection supérieur au droit commun dans l’intérêt de la collectivité des salariés.

Un tel déni de justice n’est ni acceptable, ni justifiable même pris au nom d’un dogme républicain, lequel pourrait supporter, à titre exceptionnel, des exceptions.

Indiquons cependant qu’une telle situation (déni de justice par contrariété de décisions), pourrait être portée devant le Tribunal des conflits dans les deux mois du jour où plus aucun recours n’est possible, ni devant l’ordre judiciaire, ni devant l’ordre administratif, en application de la loi du 30 avril 1932 (TC 4 novembre 1985 n° 02339 Recueil - TC 17 décembre 2001 n° C3273 - TC 06 juillet 2009 n° 3692 Recueil et TC 12 avril 2010 n° C731 sur art. 2).

Une piste à explorer si nos hauts magistrats de la chambre sociale et du Conseil d’Etat ne trouvent pas la solutions eux-mêmes.


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