Chronique ouvrière

Où l’on apprend que le CPH serait compétent pour régler les litiges entre employeurs

lundi 8 octobre 2012 par Alain HINOT
CPH 20 Sept 2011 Fontainebleau.pdf

Nous avions appris que le conseil de prud’hommes est compétent pour tous les litiges individuels nés à l’occasion de la conclusion, de l’exécution et de la rupture du contrat individuel de travail entre un salarié et un employeur. Nous savions aussi qu’il est également compétent pour les litiges entre salariés nés à l’occasion du contrat de travail.

Mais nous étions loin de nous douter qu’un contentieux entre employeurs pouvait prospérer devant la juridiction du travail, ainsi que l’a jugé discrètement le CPH de Fontainebleau le 20 septembre 2011 par une décision qui entendait régler "l’homérique bataille" opposant la SAS DHL à trois autres sociétés défenderesses dans une espèce mélangeant transfert L 1224-1 CT (ex L 122-12) et PSE (section AD - formation paritaire - présidence salarié), La véritable curiosité venant du fait que les 44 salariés observateurs et bénéficiaires de quelques modestes condamnations (prononcées presque par inadvertance) n’étaient qu’intervenants forcés (sauf un, intervenant volontaire)

Entre janvier 2000 et avril 2009, DHL assurait le stockage et l’expédition de dvd pour une société de production, mais DHL perd le marché en mai 2009 au profit d’une société ARVATO. Le site de production DHL étant en totalité consacré à la réalisation de ce contrat, ARVATO demandait alors à le reprendre avec ses 82 salariés en invoquant l’art. L 1224-1 CT.

DHL refusait et décidait alors de saisir en référé, le CPH de Fontainebleau lequel renvoyait logiquement l’affaire devant les juges consulaires de Meaux.

Mais sur recours de DHL, la cour d’appel de Paris jugeait curieusement en octobre 2009 que le CPH était bien compétent pour connaître de cette affaire en s’appuyant sur l’article 66 CPC et en expliquant que le sort des contrats de travail étant en cause, la matière relevait bien de l’office du juge prud’homale, "quand bien même l’action a été dirigée à titre principal contre les sociétés repreneuses du marché". Encore plus curieusement aucun pourvoi n’était alors formé.

Les membres du bureau de jugement de Fontainebleau se sont donc semble-t-il pliés à l’avis du juge des référés, d’autant qu’aucune des parties ne contestaient leur compétence en bureau de jugement (on se perd en conjoncture et en interrogations, d’autant que les enjeux se mesuraient en plusieurs millions d’euros)

En effet, entre-temps, DHL avait tiré les conséquences de la perte du marché en fermant son site de et en engageant un PSE concernant 79 emplois.

Invoquant un « enjeu de dumping social », DHL obtenait finalement de nos sages Conseillers Bellifontains le versement de quelque 4,1 millions d’euros de dommages et intérêts correspondant au coût du PSE, en l’absence de reprise des salariés par ARVATO.

Quant aux 44 salariés intervenants et présents ou représentés à l’instance ( sur 79 licenciés), ils perçoivent royalement une somme de 10 000 € en moyenne chacun, alors même que la violation de l’art. L 1224-1 CT pouvait leur permettre d’invoquer l’absence d’effet de leurs licenciements et de solliciter leurs réintégrations au sein de la société ARVATO (mais bizarrement leur avocat n’y a pas pensé).

En fin de compte, c’est peut être ça l’astuce. ARVATO refuse de reprendre les 79 salariés, DHL s’occupe du PSE et présente la facture à ARVATO en passant par un procès (pour plus de réalisme), procès auquel sont conviés des salariés bien naïfs.

In fine, sur l’ensemble des salariés licencié, seuls 44 se présentent et obtiennent quelques miettes.

Quid de la crédibilité de la juridiction prud’homale qui prête son concours à un tel cirque ?


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