Chronique ouvrière

Une transaction mal ficelée ne protège pas l’employeur homophobe

mercredi 8 mai 2013 par Alain HINOT
Cass. Soc. Le 24 avril 2013.pdf

Un salarié, engagé par la caisse du Crédit agricole mutuel IDF en 1976, avait passé avec succès les épreuves d’aptitude aux fonctions de sous-directeur organisées dans le groupe. Licencié pour faute grave le 27 juin 2005, il concluait une transaction le 7 juillet 2005 et saisissait ultérieurement la juridiction prud’homale afin d’obtenir réparation d’une discrimination pratiquée à son encontre en raison de son orientation sexuelle du fait de sa non-accession à des fonctions de sous-directeur.

En vertu des articles 2044 et 2049 du code civil, la transaction règle les différends, nés ou à naître, qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé.

En l’espèce, l’acte transactionnel du 7 juillet 2005 stipulait que « les parties ont décidé de se retrouver sur la base de concessions réciproques pour rechercher, sous l’égide de leurs conseils, une solution au règlement de leurs différends nés ou à naître ayant trait à l’exécution et à la cessation du contrat de travail qui les liait ». L’article 3 prévoyait que le salarié obtenait une somme nette de 253 650 € et précisait que la concession de salarié est « d’accepter les conditions et modalités de la rupture de son contrat de travail et de se déclarer rempli de tous les droits qu’il pouvait tenir tant de son contrat de travail que du droit commun ou de la convention collective et réparé de son entier préjudice ».

Une telle transaction empêchait-t-elle le salarié d’agir devant le CPH au titre de la discrimination ?

Pas du tout juge la Cour de cassation car "en dépit de l’insertion d’une formule très générale, la transaction ne faisait état que d’un litige portant sur la rupture du contrat de travail", de sorte que "la discrimination alléguée par le salarié n’était pas incluse dans cette transaction".

Concernant l’hypothèse de la discrimination sexiste, la Cour de cassation relève que, "postérieurement à son inscription sur la liste d’aptitude de sous-directeur, le salarié avait postulé en vain à quatorze reprises à un poste de sous-directeur ou à un poste de niveau équivalent, qu’il a répondu à des propositions de postes à l’international, à une proposition de poste dans une filiale à Paris, qu’il est le seul de sa promotion de 1989 à ne pas avoir eu de poste bien que son inscription sur la liste d’aptitude ait été prorogée à deux reprises en 1995 et en 2000 et qu’il était parmi les candidats les plus diplômés et que plusieurs témoins font état d’une ambiance homophobe dans les années 70 à 90 au sein de l’entreprise", et de conclure que la cour d’appel de Paris pouvait valablement déduire que ces éléments qu’ils laissaient présumer l’existence d’une discrimination en raison de son orientation sexuelle.

Mais la société pouvait encore renverser cette présomption simple. Cependant la Cour de cassation approuve là encore la cour d’appel d’avoir jugé que l’employeur ne pouvait soutenir utilement, d’une part, qu’il n’avait pas disposé de poste de direction en son sein propre entre 1989 et 2005 et d’autre part, qu’il n’avait pas été en mesure de recommander activement la candidature de son salarié sur des postes à l’international et d’avoir décider in fine que les justifications avancées par l’employeur "ne permettaient pas d’écarter l’existence d’une discrimination en raison de l’orientation sexuelle du salarié".


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