Chronique ouvrière

Départ en retraite et prise d’acte concomitante, la Cour de cassation juge que c’est possible

mercredi 29 mai 2013 par Alain HINOT
Cass Soc Le 15 Mai 2013.pdf

Dans un arrêt du 12 avril 2005 (n°02-45923 PB), la cour de cassation avait jugé, à propos de la conjugaison entre une demande en résiliation judiciaire et une mise à la retraite ultérieure du salarié, que : "lorsque, au moment où le juge statue sur une action du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, le contrat de travail a pris fin par la mise à la retraite du salarié, sa demande de résiliation devient sans objet".

Cette position avait été interprétée (par certains commentateurs) comme conférant au départ à la retraite une sorte d’effet extinctif pour tout contentieux relatif à la résiliation judiciaire. Or, il n’en est rien à condition, soit de reformuler les demandes en justice en : "Juger que la saisine du CPH en résiliation judiciaire était justifiée à raison des manquements ou fautes de l’employeur et que le départ à la retraite ultérieur produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse", soit de prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur au même moment qu’une demande de mise à la retraite, comme dans l’espèce rapportée ici (cass soc 15 mai 2013 n° 11-26784 et 11-26930 PB).

Un VRP, notifie à son employeur le 26 décembre 2007 son départ à la retraite par une lettre énonçant également des griefs envers ce dernier (notamment une modification unilatérale des taux de commissions depuis 2004), puis il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de cette rupture en une prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de demandes en paiement des indemnités de rupture et de divers rappels de salaire sur commissions et autres frais relatifs à l’exécution du contrat de travail.

Par un arrêt du 22 septembre 2011, la cour d’appel de Paris requalifiait la rupture du contrat de travail par le salarié en une prise d’acte de la rupture du fait de l’employeur et disait que cette prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais curieusement, la cour d’appel déboutait le salarié de ses demandes au titre de cette rupture (notamment de l’indemnités pour LSCRS et de clientèle).

L’arrêt de cassation du 15 mai 2013 est très didactique.

Après avoir rappelé que "le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail", la haute Cour juge que : "lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu’à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’un départ volontaire à la retraite".

En l’espèce l’employeur avait appliqué des taux de commission inférieurs au taux convenu, sans justifier de l’accord du salarié sur cette modification et il avait réduit unilatéralement le montant des avances sur commissions jusqu’alors appliqué.

La Cour de cassation estime que ceci était : "de nature à faire obstacle à l’exécution de la mission du salarié", de sorte que la cour d’appel pouvait en déduire que : "le départ à la retraite s’analysait en une prise d’ acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse".

L’arrêt d’appel est donc partiellement cassé, mais seulement en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes en paiement d’indemnité de clientèle, de frais de déplacement, de reliquat de commissions pour les forfaits de mises en route de 2007, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’affaire est renvoyé devant la cour d’appel de Versailles.


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