Chronique ouvrière

A propos du licenciement discriminatoire d’un travailleur handicapé

samedi 2 février 2019 par Pascal MOUSSY
CA Douai 29 juin 2018.pdf

La question du caractère discriminatoire du refus de rechercher un reclassement d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail a déjà été abordée dans les colonnes de Chronique Ouvrière (voir P. MOUSSY, « Le refus de rechercher sérieusement un reclassement d’un salarié « inapte » conforme aux indications du médecin du travail constitue une discrimination en raison de l’état de santé », Chronique Ouvrière du 8 avril 2011, http://www.chronique-ouvriere.fr/spip.php?article285).

L’arrêt rendu le 29 juin 2018 par la Cour d’appel de Douai mérite d’être signalé en ce qu’il a prononcé la nullité du licenciement jugé discriminatoire d’un travailleur handicapé déclaré inapte à effectuer certaines tâches et dont l’employeur s’était bien gardé de chercher sérieusement à le reclasser.

L’employeur, par l’intermédiaire d’une stagiaire des ressources humaines, s’était contenté d’échanges de courriels stéréotypés avec d’entreprises appartenant aux même groupe sans se livrer à des études de postes ou à des recherches d’aménagements de postes conformes aux prescriptions du médecin du travail qui auraient été de nature à permettre de maintenir l’emploi du salarié encore en capacité de travailler.

Le salarié avait à plusieurs reprises demandé à l’employeur de prendre contact avec le Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH) en vue d’explorer les possibilités de conserver son emploi.

L’employeur s’était bien gardé de répondre positivement à cette demande de consultation de l’organisme spécialisé.

La Cour d’appel a considéré que cette absence de collaboration de l’employeur constituait un indice sérieux de l’absence d’une recherche sérieuse des possibilités de reclassement dans les termes suivants : « Il appert en outre qu’invité à deux reprises par le salarié à consulter le SAMETH, service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés, afin de trouver une solution permettant le maintien de son emploi, l’employeur n’a pas accompli une telle démarche et qu’il ainsi fait perdre à M. xxx une chance de conserver son emploi. S’il est exact qu’aucune disposition légale n’obligeait la SASU ISS PROPRETE à prendre l’attache dudit service, son refus d’y procéder malgré les demandes pressantes du salarié révèle une exécution défaillante de l’obligation de reclassement dans la mesure où il a négligé un moyen parmi d’autres d’y parvenir ».

La Cour d’appel a ainsi constaté que l’employeur, en s’abstenant délibérément de prendre contact avec le SAMETH, s’est refusé à prendre une mesure appropriée pour permettre au salarié de conserver un emploi, malgré son handicap.

Il a été souligné que c’est le souci du législateur de « légitimer en matière de handicap l’imposition à l’employeur « d’aménagements raisonnables » en faveur des personnes handicapées » qui a conduit à préciser que c’est seulement si elles sont « objectives, nécessaires et appropriées » que les différences de traitement fondées sur l’inaptitude liée à un handicap ne constituent pas une discrimination (voir M. BLATMAN, P-Y. VERKINDT, S. BOURGEOT, L’état de santé du salarié, 3e éd., 497 et s.).

Dans la présente espèce, la Cour d’appel a donc considéré qu’en application des articles L. 5213-6 et L. 1133-3 du Code du travail le salarié licencié avait été victime d’une discrimination liée à son état de santé et à son handicap après avoir relevé que « nonobstant l’importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers l’employeur ne justifie d’aucune étude de poste ou d’aménagement du poste de travail du travailleur déclaré inapte, qu’il n’a pas consulté l’organisme susceptible de l’aider à trouver une solution de reclassement et que manière générale il n’a pas sérieusement exécuté son obligation de reclassement ».

L’employeur, qui avait manqué à son obligation d’une recherche de sérieuse de reclassement du travailleur handicapé et qui n’avait pas manifesté une réelle volonté de le conserver parmi ses effectifs, ne pouvait donc légitimement se retrancher derrière une différence de traitement « objective, nécessaire et appropriée » pour justifier la mesure de licenciement.

C’est dès lors en toute logique que la Cour d’appel a retenu que le salarié licencié avait fait l’objet d’un licenciement constitutif d’une discrimination liée à son état de santé et à son handicap et d’avoir en conséquence considéré que ce licenciement devait être annulé.


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