Blacks, blancs beurs : à compétence égale, traitement égal !
Les dispositions du premier alinéa de l’article L.122-45 (devenu l’article L.1132-1) du Code du Travail interdisant les pratiques patronales discriminatoires en matière de promotion professionnelle ont, ces dernières années, été assez fréquemment sollicitées pour faire reconnaître et condamner la discrimination syndicale.
Jusqu’à présent, elles avaient beaucoup moins constitué le fondement d’actions prud’homales visant à faire réparer le préjudice résultant de la discrimination raciale en matière de déroulement de carrière.
Il est à souhaiter que la lecture des deux arrêts du printemps 2008 rendus par la Cour d’Appel de Versailles et la Cour d’Appel de Colmar incitent les salariés victimes de la discrimination raciale à être de plus en plus nombreux à dénoncer la situation qui leur est faite et à faire valoir leurs droits.
La Cour de Versailles a appréhendé la discrimination raciale subie par Stanislas Breleur, originaire de Martinique, et Daniel Kotor, originaire du Togo, après avoir suivi une démarche probatoire déjà bien rodée à l’occasion du contentieux de la discrimination syndicale.
La comparaison de l’évolution de carrière de Stanislas Breleur et de Daniel Kotor avec celle de leurs collègues de travail qui se trouvaient dans une situation comparable présentait des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. A un moment de leur parcours au sein de l’entreprise, les deux intéressés se sont trouvés bloqués, alors que leurs collègues poursuivaient leur progression professionnelle.
Et les juges n’ont pu que constater, au vu de ces éléments, que l’employeur ne rapportait pas la preuve que le blocage des deux salariés était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Il a notamment été relevé le manque de sérieux du grief de susceptibilité mis en avant pour expliquer la situation de Daniel Kotor. Les juges ont lu avec attention l’attestation d’un représentant du personnel, qui faisait état des moqueries et plaisanteries à connotation raciste de sa hiérarchie qui n’hésitait pas à traiter Daniel Kotor de « nègre » et de « bougre de nègre ». Si la susceptibilité était ici justifiée, la différence de traitement connue par Daniel Kotor en matière de promotion professionnelle l’était beaucoup moins…
La Cour de Colmar s’est inscrite dans une même démarche avant de conclure à la discrimination raciale dont a été victime Jawad El Hardouz.
Là encore, les juges ont insisté sur l’obligation de l’employeur de fournir des éléments de preuve de nature à justifier la différence de traitement constatée.
L’arrêt de la Cour de Colmar est particulièrement intéressant en ce qu’il montre en quoi le non respect des dispositions de la convention collective applicable à l’entreprise mettait en évidence le comportement discriminatoire de l’employeur envers Jawad El Hardouz.
Les dispositions conventionnelles en question ont pour objet de favoriser la promotion professionnelle interne à l’entreprise. « Si un emploi vacant ou créé est à pourvoir dans l’établissement, la direction fera connaître au personnel cette vacance avant de faire appel à des éléments de l’extérieur. Les salariés pourront alors, à leur demande, subir une épreuve leur donnant la possibilité d’accéder à ce poste s’il est d’une qualification supérieure à la leur ».
La mise en œuvre de cette procédure aurait dû conduire à informer Jawad El Hardouz, qui était intéressé, de la vacance d’un emploi de responsable de ligne qui venait de se libérer et, dans l’hypothèse d’une non attribution de cet emploi à Jawad El Hardouz, l’employeur, dans le cadre d’une gestion rationnelle, se devait d’expliquer au candidat non retenu les raisons de son échec…
L’employeur, en ne suivant pas la procédure mise en place par la convention collective, s’est affranchi de cette explication. Il a fait le choix d’un recrutement extérieur en exprimant le souhait « d’un apport de sang neuf ». Ce motif ne présentait pas toutes les garanties d’objectivité de nature à faire tomber le soupçon d’une discrimination raciale envers Jawad El Hardouz…
La Cour de Colmar a également relevé que les relations conflictuelles avec sa hiérarchie ne pouvaient suffire à exclure Jawad El Hardouz des responsabilités qu’il sollicitait, son incompétence à diriger une équipe n’étant pas démontrée et le conflit ayant précisément sa source dans la situation discriminatoire imposée à Jawad El Hardouz. La démarche objective ne saurait confondre l’effet avec la cause…
Il convient enfin de souligner que la discrimination raciale en matière de promotion professionnelle est de nature à causer un préjudice à l’intérêt collectif.
La Cour de Versailles a donc condamné la société Renault à payer 800 € à la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et à l’UGICT-GT au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice causé par la discrimination subie par Stanislas Breleur et Daniel Kotor.
Pascal MOUSSY
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Marie Laure DUFRESNE-CASTETS
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