Chronique ouvrière

La préservation de la santé des travailleurs sacrifiée sur l’autel de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie

jeudi 14 décembre 2023 par Camille LEFEBVRE
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La préservation de la santé des travailleurs sacrifiée sur l’autel de la liberté d’entreprendre et de la liberté du commerce et de l’industrie.pdf

Face au géant de la sidérurgie, ArcelorMittal, la justice administrative capitule et censure l’inspection du travail, aux dépens de la santé des travailleurs exposés aux cancérogènes

Commentaire de l’ordonnance de référé du tribunal administratif de Marseille du 6 juillet 2023 :

L’inspection du travail a décidé, en juin 2023, de prendre une décision d’arrêt d’activité de l’aciérie de l’un des plus gros sites sidérurgiques de France, en raison d’une situation d’exposition des travailleurs à des agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) résultant du non-respect de la réglementation par leur employeur, la société ARCELORMITTAL MEDITERRANEE. Celle-ci a contesté la décision au TA et a trouvé chez le juge administratif une oreille attentive en dépit de l’insuffisance des plans d’actions qui avaient été présentés à l’inspectrice du travail. Malgré cette décision malvenue, l’inspection du travail dispose de pouvoirs qu’il serait dommage de ne pas solliciter pour faire avancer la bagarre sur les grands sites industriels pour la protection de la santé des travailleurs exposés aux CMR.

ARCELORMITTAL est réputé pour être l’industriel le plus pollueur de France. Selon le rapport de juin 2023 du Réseau Action Climat, on retrouve, au palmarès des usines les plus émettrices de gaz à effet de serre en France, les sites ARCELORMITTAL de Dunkerque et Fos aux deux premières places. A Fos-sur-Mer, le sidérurgiste emploie près de 2 500 personnes et fabrique près de 4 millions de tonnes d’aciers par an. Ce qui est moins connu et moins documenté, c’est que les travailleurs du site sont exposés de façon quotidienne à des risques graves pour leur santé en raison de la présence en grande quantité dans le processus de production - et sans mesures de prévention des risques adaptées - d’agents chimiques CMR tels que le manganèse, le Chrome VI, la silice cristalline, les fibres céramiques réfractaires, le benzo(a)pyrène ou le formaldéhyde.

Constatant une situation dangereuse, l’inspectrice du travail décide l’arrêt d’activité de l’aciérie.

Chaque année, des mesures d’exposition des salariés aux CMR soumis à des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) sont réalisées et présentées en CSSCT du site de Fos. Le 14 avril 2023, l’inspectrice du travail constate lors d’une de ces réunions que les dépassements de VLEP sont extrêmement importants. Le 25 avril 2024, lors d’un contrôle, l’inspectrice constate, comme le rappelle l’ordonnance de référé : la « présence en grande quantité de silice cristalline (cristobalite et quartz) en suspension, de benzo(a)pyrène et de fibres céramiques réfractaires et formaldéhydes , tant dans les zones de production que dans les salles de repos et sanitaires.

L’inspectrice a également constaté un défaillance du système de captation à la source, l’absence de ventilation générale, l’absence de contrôle sur l’apport d’air du système de climatisation mis en place dans les espaces de repos, ainsi qu’une défaillance dans le port des équipements de protection individuelle par les salariés, des anomalies dans certains processus de nettoyage, réalisés avec de simples balais, et d’information des salariés sur les substances toxiques présentes sur leur lieu de travail. »

A la suite de ces constats, des échanges ont lieu avec l’inspectrice du travail, avec les représentants du personnel. L’entreprise est informée par l’inspectrice qu’elle risque de voir son activité arrêtée si elle ne prend pas les mesures pour faire cesser la situation dangereuse. ArcelorMittal présente donc deux projets de plan d’actions, chaque fois jugés insuffisants pas l’inspectrice, ceux-ci se bornant à quelques mesures inadaptées (notamment la mise en place de l’obligation du port du masque FFP3 papier dans l’aciérie, celui-ci ne permettant pas d’assurer la protection des salariés contre les risques identifiés et n’étant de plus pas adaptés à l’intensité physique du travail réalisé à certains postes).

Le 19 juin 2023, face à l’insuffisance des plans d’actions présentés, l’inspectrice du travail, qui avait déjà auparavant rappelé la réglementation à l’employeur, se voit dans l’obligation d’ordonner l’arrêt de l’activité de l’aciérie.

En effet, en application de l’article L.4721-8 du Code du travail :

« Lorsque l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 constate que le travailleur est exposé à un agent chimique cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction, et qu’il se trouve dans une situation dangereuse avérée résultant de l’une des infractions mentionnées au présent article, il met en demeure l’employeur de remédier à cette situation. Dans le cas où cette mise en demeure est infructueuse, il procède à un arrêt temporaire de l’activité en application de l’article L. 4731-2.

Les infractions justifiant les mesures mentionnées au premier alinéa sont :

1° Le dépassement d’une valeur limite d’exposition professionnelle déterminée par un décret pris en application de l’article L. 4111-6 ;

2° Le défaut ou l’insuffisance de mesures et moyens de prévention tels que prévus par le chapitre II du titre Ier du livre IV de la quatrième partie en ce qui concerne les agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

La mise en demeure est établie selon des modalités prévues par voie réglementaire. »

Ce n’est que sous la menace de la décision d’arrêt d’activité que l’entreprise décide d’agir… et saisit le juge administratif pour faire suspendre la décision

Devant la justice administrative, ARCELORMITTAL agite le sempiternel chantage à l’emploi : l’arrêt de l’aciérie entraînerait de fait l’arrêt du site, donc des hauts fourneaux, donc de la cokerie, induisant des « risques de dommages irréversibles pour l’outil industriel », un « manque à gagner journalier de 2,2 millions d’euros », et un préjudice estimé à 400 millions d’euros pour trois mois d’arrêt.

En parallèle, ARCELORMITTAL, qui n’avait pas réussi à imaginer auparavant les mesures d’un plan d’action sérieux, présente quelques jours avant l’audience, un troisième plan d’action à l’inspection du travail, cette fois un peu plus étoffé mais prévoyant tout de même toujours la mesure phare de la « généralisation de l’emploi des masques FFP3 ». L’entreprise présente donc son argument massue devant le tribunal administratif : des mesures provisoires et correctives ont commencé à être mises en place ; la décision de fermeture serait en conséquence disproportionnée.

Alors que la décision d’arrêt est prise par l’inspection du travail, le géant de l’acier ne s’est pourtant jamais arrêté et n’a jamais respecté cette décision. ARCELORMITTAL a persisté dans son activité sans se conformer à cette directive jusqu’à l’intervention ultérieure du tribunal administratif. Dans son plaidoyer devant la juridiction, ARCELORMITTAL met en avant les conséquences économiques potentielles d’une éventuelle fermeture, étayant sa position avec des tableaux d’estimations de pertes aux contours hypothétiques et sans démontrer que la suspension de l’activité de l’aciérie jusqu’à l’application des mesures correctives prescrites aurait des répercussions irréversibles sur sa situation financière.

La réponse de l’inspection du travail au juge est claire : le manque à gagner est très hypothétique, non documenté ; les dommages irréversibles sur l’outil industriel ne sont pas établis. En revanche, le danger pour la santé des travailleurs est, lui, bien réel et prouvé, tandis que le plan d’action présenté par l’employeur reste insuffisant. D’ailleurs, le juge administratif est obligé de préciser, concernant l’emploi des masques FFP3, que « tout le monde s’accorde à reconnaître qu’ils ne sont pas nécessairement adaptés pour tous les postes de travail ».

Le tribunal administratif donne raison à l’employeur.

Le juge administratif estime que la dernière mouture du plan d’action répond aux exigences initiales de l’inspection du travail et que la décision d’arrêt d’activité de l’aciérie n’est plus ni adaptée ni proportionnée. Le tribunal donne raison à l’employeur :

-  Sur l’urgence, notamment en reprenant à son compte l’argument de l’employeur selon lequel l’arrêt coûterait très cher à l’entreprise et serait encore plus polluant que l’exploitation (dégagements de quantités importantes d’oxyde d’azote) ;

-  Surtout le tribunal indique que l’ensemble « des diligences mise en œuvre par l’entreprise » dans le cadre des différents plans transmis répondent aux mesures demandées par l’inspectrice du travail. Ainsi, malgré le caractère tardif de ces mesures envisagées, l’ordonnance indique qu’elles ont permis de répondre aux manquements pointés par l’inspection du travail de sorte que la décision d’arrêt n’est « plus adaptée, ni proportionnée » et a décision de l’inspectrice constitue « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre et à la liberté du commerce et de l’industrie et doit être immédiatement suspendue »

Problème : au passage, le tribunal administratif semble valider sur le fond les différentes mesures des versions successives des plans d’actions présentés par l’entreprise, notamment : « la distribution, entre le 30 juin et la fin juillet, de 687 masques autonomes ventilés disponibles ou commandés spécialement, un autre modèle étant en cours de test, de manière à équiper tous les personnels exposés de l’aciérie, la réalisation d’une modélisation aéraulique de renouvellement de l’air, qui sera terminée en novembre 2023 ainsi que la mise en place d’un brumisateur dès fin juin 2023 pour contenir au sol les poussières générées par le « déloupeur coulée continue », un nettoyage industriel complet des installations qui sera réalisé en juillet 2023 et une planification régulière de tels nettoyages, notamment par voie d’aspiration - que le bon sens commande face à une telle quantité de poussières-, la vérification de l’étanchéité de capots et trappes d’accès. S’agissant de l’ajout de sas vers les espaces de repos, estimé à une trentaine par le directeur de l’établissement, sa mise en œuvre nécessite l’intervention d’un bureau d’études qui a été contacté par l’entreprise et nécessite un délai supplémentaire. »

Il s’agit donc pour la plupart de ces mesures, de déclarations d’intention sans effectivité immédiate de nature à faire cesser le risque. Or, dans la mesure où l’entreprise ne conteste pas la réalité du danger, il lui appartenait de le faire cesser. La discussion sur l’opportunité d’arrêter ou non l’activité ne pouvait donc en théorie n’avoir lieu qu’à l’aune de la capacité de l’employeur à prendre des mesures alternatives à la fermeture mais tout aussi efficace pour faire cesser le danger (comme le prévoit l’article L.4731-4 du Code du travail : « En cas de contestation par l’employeur de la réalité du danger ou de la façon de le faire cesser, notamment à l’occasion de la mise en oeuvre de la procédure d’arrêt des travaux ou de l’activité, celui-ci saisit le juge administratif par la voie du référé. »). En validant un plan d’action ineffectif immédiatement, il apparaît donc bien que le juge administratif a dépassé son champ de compétence en validant sur le fond des mesures qui ne répondaient pas aux exigences réglementaires. Comme le demandait l’inspectrice du travail, des mesures appropriées auraient consisté, a minima, en « une évaluation immédiate des risques chimiques, la mise en place d’un plan d’action prévoyant un système clos, un dispositif de captation à la source, l’utilisation de moyens de protection collective et la vérification des systèmes de captation, d’aération et d’assainissement, la mise en place de mesures provisoires de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et l’effectivité du port des équipements de protection individuels ». Face au chantage à l’emploi agité par l’employeur et son armée d’avocats, la justice administrative n’a pas su tenir le cap de la protection de la santé des salariés exposés aux CMR.

Une procédure bancale

Le juge a également donné raison à l’entreprise sur un point de procédure. Comme rappelé ci-avant, en application de l’article L.4721-8 du Code du travail, l’inspection du travail doit constater que les travailleurs sont exposés à un agent chimique CMR et qu’ils se trouvent dans une situation dangereuse en raison du non-respect par l’employeur de ses obligations à savoir : s’assurer que la VLEP n’est pas dépassée et/ou prendre les mesures et moyens de préventions suffisants pour prévenir les expositions dans le respect du Code du travail. Une fois le constat établi, l’inspection du travail doit demander à l’employeur d’établir un plan d’action dans un délai de 15 jours (art. R.4721-6 1° c. trav.). Ce plan d’actions comporte les mesures correctives permettant de régulariser la situation. Une fois le plan d’action réceptionné, l’inspection du travail a 15 jours pour mettre en demeure l’employeur de réaliser les mesures correctives (art. R.4721-6 2° c. trav.). L’inspecteur du travail fixe alors un délai d’exécution de ces mesures et communiquer à l’employeur ses observations. La réglementation met donc l’inspecteur du travail dans une situation où il doit graver dans le marbre, par une mise en demeure, des mesures décidées par l’employeur lui-même (après simple avis du CSE et du médecin du travail, l’absence d’avis n’empêchant pas l’employeur de transmettre son plan d’action à l’inspection du travail à partir du moment où le CSE et le médecin ont bien été informés et convoqués à la consultation, art. R4721-8 c. trav.).

Ce n’est qu’à défaut de réception d’un plan d’action ou à l’issue du délai d’exécution fixé par l’inspecteur du travail dans sa mise en demeure que l’agent de contrôle, s’il constate que la situation dangereuse persiste, peut ordonner l’arrêt temporaire de l’activité (art. R4721-10 c. trav.).

En l’espèce, le tribunal administratif a estimé que l’inspectrice n’a pas respecté la procédure dans la mesure où, après avoir demandé un plan d’action (point 1° de l’article R4721-6) et avoir par deux fois estimé que les plans d’actions présentés en réponse étaient insuffisants, elle a décidé de prononcer l’arrêt d’activité sans passer par la mise en demeure préalable de réaliser ces plans d’actions insuffisants. Ce raisonnement était acté par la doctrine administrative puisqu’il figurait dans un « questions – réponses » de la Direction générale du travail devant servir d’outil aux agents de contrôle et selon lequel « l’insuffisance manifeste d’un plan d’action équivaut à l’absence de plan d’action ».

La lecture de l’article R4721-6 du Code du travail, telle qu’elle est retranscrite dans le question-réponse, apparaissait comme un raisonnement logique qui découle directement du premier alinéa de cet article. Celui-ci précise que l’employeur est tenu de soumettre à l’inspection du travail « un plan d’action comprenant des mesures correctives appropriées […] en vue de remédier à cette situation ». Si ce n’est pas l’inspection du travail, qui peut être garant de l’adéquation du plan d’action pour remédier au danger ?

Mais le juge a, lui, estimé que l’entreprise avait été « irrégulièrement privée de la possibilité d’exercer auprès du directeur régional, un recours à l’encontre de cette mise en demeure » puisqu’elle n’a pas eu lieu. Fallait-il donc, en l’espèce, que l’inspectrice du travail valide une version largement insuffisante de plan d’actions, intime à l’entreprise d’acheter des masques FFP3 en papier, tout en sachant que ceux-ci sont parfaitement inadaptés au risque… pour finalement, quelques mois plus tard, à l’issue du plan d’action, constater la persistance d’une situation dangereuse et arrêter l’activité ? Ceci est bien évidemment inenvisageable et place donc l’inspection du travail devant un mur. Dans une telle situation, la Direction générale du travail aurait dû venir apporter tout son soutien, moral et juridique, à l’inspectrice du travail, seule face à une armée d’avocats d’un des piliers du capitalisme mondial. Elle aurait a minima dû faire appel de la décision. Rien de tout cela n’a été fait, allant à l’encontre des demandes syndicales (voir le communiqué du syndicat Sud Travail Affaires Sociales : http://www.sud-travail-affaires-sociales.org/spip.php?article1203).

Pour une inspection du travail indépendante et au service des travailleuses et travailleurs, saisissons-nous de ce service public !

Cette affaire illustre la faiblesse des « nouveaux pouvoirs » conférés à l’inspection du travail par ordonnance en 2016 (ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle du droit du travail). Dans le contexte de la loi dite « Travail » ou loi El Khomri et du nouveau cycle d’attaques majeures contre le droit du travail dont elle faisait partie, on ne peut bien sûr pas être étonné que ces pouvoirs (notamment l’extension des possibilités d’arrêt de travaux, la multiplication des manquements pouvant être sanctionnés par la voie des amendes administratives) soient relativement limités.

Doit-on en conclure que la saisine, par des salariés, leurs syndicats ou leurs ayants droits, de l’inspection du travail est inefficace et a peu de chance d’aboutir quand il s’agit de lutter pour une meilleure protection de la santé des travailleurs face aux risques CMR ?

Les pouvoirs de l’inspection du travail sont donc relativement limités dans le cadre de cette procédure bancale de l’article L.4721-8 du Code du travail.

Il existe en revanche d’autres outils à la main de l’agent de contrôle qui peuvent s’avérer efficaces, surtout s’ils sont articulés avec un combat collectif mêlant rapport de force sur le terrain et maniement adéquat des outils juridiques. Ainsi, l’inspecteur du travail qui constate un « risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur » résultant de l’inobservation des dispositions du Code du travail en matière de santé et sécurité (liste des dispositions concernées à l’article L.4732-1 du Code du travail), peut saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que « la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres » et le juge peut également dans ce cadre « ordonner la fermeture temporaire d’un atelier ou chantier » (article L. 4732-1 du Code du travail). Cet outil trop peu utilisé par les services d’inspection du travail gagnerait à être davantage mobilisé, en lien avec des équipes militantes dans les entreprises ayant préparé le terrain en amont de la saisine du juge. Ceci peut se faire de diverses manières : mettre en alerte l’inspection du travail pour la faire venir sur le terrain en saisissant l’agent de contrôle compétent, en lui présentant la situation lors de ses permanences à son bureau, faire réaliser, avant la saisine de l’inspection du travail ou de façon concomitante, une ou plusieurs expertises en matière de risques graves (art. L.2315-94 c. trav.), mobiliser l’outil du droit d’alerte des membres du CSE en cas de danger grave et imminent (art. L. 4131-1 et L. 4132-2 c. trav.), etc.

Il doit cependant être noté que cette procédure de référé à la main de l’inspection du travail souffre elle aussi de limites : le juge des référés est susceptible de considérer (comme cela a été le cas au moins une fois par le passé dans le cadre d’une ordonnance du TGI de Toulouse du 23 décembre 2009 rejetant l’ensemble des demandes formées dans ce cadre par une inspectrice du travail qui voulait faire cesser l’exposition aux risques CMR dans une entreprise de recyclage de plomb, la STCM) que l’autorité administrative ne saurait demander au juge d’ordonner une mesure qu’elle est elle-même apte à prendre. L’inspection du travail n’aurait donc pas le loisir de saisir le juge des référés si elle n’a pas au préalable utilisé les outres outils à sa disposition, dont cette fameuse procédure d’arrêt d’activité bancale. Sauf à justifier de l’urgence qui pourrait fonder la compétence du juge des référés, ce que le juge avait considéré comme non démontré dans le cas de 2009. Une piste pourrait également consister pour l’inspection du travail à mettre en œuvre la procédure d’arrêt d’activité et, au lieu de se trouver forcée de valider un plan d’action insuffisant, de saisir le juge des référés pour imposer un autre plan d’action plus opérant sous la menace de l’astreinte ou de l’arrêt des installations, en justifiant de l’urgence de la situation.

En définitive, il faudra certainement en passer par une modification législative pour qu’a minima, la procédure administrative d’arrêt d’activité pour exposition aux risques CMR puisse être mise en œuvre par l’inspection du travail face à un plan d’action insuffisant. Mais il faut bien se rendre à l’évidence et douter que le contexte politique actuel soit de nature à permettre la réalisation de ce genre de vœu.

Dans tous les cas, une articulation fine des outils juridiques et du rapport de force est nécessaire, avec comme constante le constat de l’insuffisance de la réglementation face à l’ampleur des risques chimiques pour la santé des travailleurs et travailleuses.


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