Chronique ouvrière

"Mon licenciement pour état de santé a été mis en échec grâce à un combat collectif" (Eddy CAIL)

lundi 14 février 2011

La bataille judiciaire menée par Eddy CAIL, « agent de production » à l’usine TOYOTA d’Onnaing, contre son licenciement a été à l’honneur sur le site de Chronique Ouvrière (Pascal MOUSSY, « A TOYOTA, la discrimination tentait de se cacher derrière le masque de la campagne pour le « présentéisme ». Elle vient d’être appréhendée et neutralisée par le juge des référés ! », Chronique Ouvrière du 21 juillet 2009 ; Pascal MOUSSY, « TOYOTA s’est pris une tôle devant la Cour de Cassation ! Derrière la campagne pour le « présentéisme », il y avait bien un licenciement discriminatoire en raison de l’état de santé ! », Chronique Ouvrière du 21 décembre 2010).

Aujourd’hui, Eddy explique à Chronique Ouvrière comment il a vécu son combat.

Chronique Ouvrière : pourrais-tu nous expliquer dans quelles circonstances tu as été licencié ?

Eddy CAIL : Après deux gros coups durs, j’ai perdu mon père et mon oncle de maladie en un mois, s’en est suivie une dépression importante qui m’a conduit à plusieurs arrêts maladie et mon employeur m’a licencié pour avoir désorganisé l’entreprise durant mes arrêts maladie. J’ai donc été licencié pour désorganisation de l’entreprise. Non ce n’est pas une blague !

Chronique Ouvrière : étais-tu le seul salarié de l’établissement à être licencié pour ce motif ? Y a-t-il eu des réactions dans l’usine au moment où a été annoncé ton licenciement ?

Eddy CAIL : Non je ne pense pas être le seul salarié. Je me souviens que mes collègues me répétaient souvent : « Ils ne peuvent pas te licencier pour tes arrêts. Ils connaissent très bien ton problème. Ils n’ont pas le droit de te virer pour ta maladie ». Mes collègues n’en sont pas revenus quand je suis sorti du bureau avec ma lettre de licenciement. Cela leur a fait un choc. Je m’en souviens très bien.

Chronique Ouvrière : quel a été le résultat de la procédure judicaire que tu as engagé contre ton licenciement ? Qu’est-ce qui te paraît essentiel dans ce qu’ont décidé les juges ?

Eddy CAIL : Nous avons engagé une bataille contre Toyota en référé pour licenciement nul et discriminatoire. Nous avons été déboutés à Valenciennes aux prud’hommes. Ils se sont dits incompétents pour ce référé. On a gagné en appel en juin 2009 à Douai puis c’est confirmé en cassation en décembre 2010. Il est rare que la justice donne raison à un ouvrier par rapport a ces gros employeurs. Mes la juge de Douai a appliqué la loi, a cherché le prétexte du licenciement. Elle ne s’est pas contentée de lire la lettre de licenciement. Elle a cherché comme elle en a le droit et le devoir (!!!) la vraie raison de mon licenciement. Elle a rendu une décision juste et a remis les pendules à l’heure. Elle a fait avancer les choses avec ma jurisprudence confirmée en cassation.

Chronique Ouvrière : qu’est-ce qui t’a conduit à demander aux juges qu’ils ordonnent ta réintégration ?

Eddy CAIL : Je me souviens très bien de ma première rencontre avec Marie-Laure Dufresne-Castets et Pascal Moussy. « Ordonner la réintégration, juger un licenciement nul pour état santé : les jurisprudences ne sont pas en ta faveur. C’est un combat de militant et tu as 80 pour cent de chance de perdre » !!!!!! Je leur ai demandé si je pourrais toujours revenir sur le fond pour obtenir une indemnité. Ils m’ont dit oui, bien sûr. donc on (Marie-Laure, Pascal, syndicat CGT, ma famille) est parti dans la bataille. J’ai toujours été soutenu par mes collègues du boulot qui prenaient souvent de mes nouvelles. Eric Pecqueur, le secrétaire du syndicat CGT, a été déterminant dans ma rencontre avec Marie-Laure. Ils se connaissaient.

Chronique Ouvrière : comment as-tu vécu le retour dans ton atelier ?

Eddy CAIL : Mes collègues m’attendaient. Ils étaient contents de me revoir et fiers du combat mené. Ma hiérarchie c’est autre chose. Ils ont subi mon retour à mon poste de travail, celui que j’occupais avant mon licenciement. Je me suis senti bien dans ma peau et eux mal. Mais ils pensaient qu’ en cassation ils auraient ma peau. Ils ont donc patienté… En vain. Je suis toujours sur la même machine et je suis délégué CGT depuis.

Chronique Ouvrière : quels sont les enseignements que tu retires du combat mené conte ton licenciement ?

Eddy CAIL : Je voudrais dire que se syndiquer c’est très important pour éviter d’être isolé lors de conflits avec son employeur. C’est bien d’être entouré lors de combats comme celui que j’ai mené. C’est le pot de fer contre le pot de terre. Ma femme m’a toujours soutenu et encouragé à me battre. J’ai toujours su que ce serait très dur et que l’issue n’était pas gagnée, loin de là. Je remercie Marie-Laure Dufresne-Castets et Pascal Moussy d’avoir préparé ma défense comme ils l’ont fait.
Il faut se syndiquer et apprendre à se défendre collectivement contre les injustices des patrons qui licencient et plongent les gens dans la précarité.


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