Chronique ouvrière

L’employeur qui ne veille pas au maintien de « l’employabilité » cause un dommage… qu’il faut réparer !

jeudi 20 décembre 2007 par Pascal MOUSSY
Décision de la Cour de Cassation du 23 octobre 2007.pdf

Le 25 février 1992, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation avait, par un arrêt remarqué, posé le principe que « l’employeur, tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois » (Cass. Soc. 25 février 1992, Bull. V, n° 122). L’employeur qui avait procédé à un licenciement pour motif économique sans avoir préalablement satisfait à son devoir d’adaptation s’exposait à verser au salarié licencié une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Quelques années plus tard, la Chambre Sociale précisait, toujours à l’occasion du licenciement pour motif économique, que cette obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi devait conduire l’employeur, en cas de besoin, à proposer au salarié de suivre une formation complémentaire, susceptible de lui permettre de conserver son emploi (Cass. Soc. 3 avril 2001, Liaisons Sociales, Jurisprudence Hebdo n° 714 du 17 avril 2001).

Le mouvement était parachevé par la loi du 17 janvier 2002 qui inscrivait le devoir d’adaptation dans l’article L.321-1 du Code du Travail, dont le nouveau troisième alinéa débutait par des termes non équivoques : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés ».

Le 4 mai 2004, le législateur a introduit dans le Code du Travail l’article L.930-1 sous le titre « Des droits individuels et des droits collectifs des salariés en matière de formation ». Il ne s’agit plus seulement d’organiser la préservation de l’emploi du salarié menacé d’une mesure de licenciement pour motif économique, mais de proclamer l’obligation de l’employeur de « veiller au maintien de l’employabilité de ses salariés » (voir, dans ce sens, Liaisons Sociales, Jurisprudence Hebdo n° 254 / 2007 du 8 novembre 2007).

Les nouvelles dispositions ont une portée générale : « L’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper leur emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences ».

Par son arrêt du 23 octobre, la Cour de Cassation (reprenant la lettre de ces dispositions sans en rappeler le numéro) en a déduit que deux salariées licenciées pour motif économique et qui avaient « bénéficié », au bout de plus de plus de dix ans d’ancienneté dans l’entreprise, d’un stage de formation continue de trois jours, pouvaient obtenir la réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la rupture.

Il y a eu ici un dommage causé par l’employeur qui a manqué à son obligation d’exécution du contrat de travail en ne veillant pas à maintenir, en dispensant une formation suffisante, la capacité des deux salariées à occuper un emploi .

Il est vraisemblable qu’un grand nombre de salariés soient amenés à se reconnaître dans le cas des deux licenciées du syndicat l’Union des opticiens. Ce qui pourra susciter des saisines de conseils de prud’hommes pour obtenir réparation du préjudice causé par le manquement au devoir de formation.

Nous espérons que les juges du fond qui seront invités à se prononcer sur l’étendue du préjudice causé par l’employeur qui n’a pas veillé à maintenir « l’employabilité » ne seront pas timides dans l’exercice de leur pouvoir souverain d’appréciation du montant des dommages et intérêts (le texte de l’article L.930-1 ne fixe pas de plancher à l’indemnisation, ni de plafond…).


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