Mettre la formation au coeur de l’émancipation de l’individu
Moins de cinq ans après la signature de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 20 septembre 2003 sur la formation professionnelle, le gouvernement a décidé d’ouvrir à nouveau ce chantier.
Pourtant cet accord, pris en compte dans la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social avait fait événement, aussi bien par son contenu que par le nombre de signataires ou encore par la méthode employée.
Les buts poursuivis par ce gouvernement sont donc à chercher ailleurs que dans une volonté affichée de rationaliser et de simplifier pour assurer, dans l’intérêt du pays, une formation tout au long de la vie à chaque salarié. C’est pourtant cet objectif à atteindre qui devrait être l’unique préoccupation de tous les acteurs, qui mobilise la CGT dans les discussions actuelles et qui est l’objet de cet article.
Les enjeux sont essentiels pour le pays et ses salariés. On ne peut pas à la fois prétendre vouloir entrer dans l’économie de la connaissance et négliger ou réduire la part de la formation initiale et continue des salariés. Dans une économie ouverte et globalisée, l’augmentation du niveau de qualification des salariés est indispensable, aussi bien pour accompagner les évolutions et les mutations technologiques que pour provoquer le changement. Les interrelations sont en effet très fortes et continuelles entre les évolutions ou les mutations du système productif et le système de formation des salariés.
D’un côté il y a de gigantesques besoins de main d’œuvre qualifiée et de formations dans de nombreux secteurs d’activité de notre économie. Nombre de responsables politiques ou économiques déplorent d’ailleurs des « pénuries de main d’œuvre ». D’autres besoins que nous ne connaissons pas encore apparaîtront dans les années à venir. De plus, les salariés devront, pour la plupart, changer plusieurs fois de métier dans leur vie.
D’un autre côté, en même temps, les salariés ont besoin de reconnaissance de leurs qualifications, d’évolutions de carrières et de visibilité dans leur vie professionnelle et personnelle. Ils ont besoin de continuité là où actuellement les évolutions et les mutations sont le plus souvent vécues sur le mode de la rupture imposée par les employeurs.
C’est aussi pour répondre à cette contradiction apparente que la CGT a développé son concept de statut du travail salarié. C’est dans ce cadre théorique, dans la dynamique des interrelations existant entre l’économique et le social que nous abordons la formation professionnelle dans notre pays.
Il ne s’agit pas, pour la CGT, de simplement travailler à l’adaptation de chaque salarié à des postes de travail qui évoluent sans cesse ou de se contenter de proposer des formations pour accompagner un salarié vers un nouvel emploi après la rupture d’un contrat de travail. Nous nous plaçons résolument dans une perspective de dynamique économique et sociale où la formation initiale et continue, les déroulements de carrières, les qualifications, les salaires sont les puissants moteurs du développement.
Ainsi la formation professionnelle n’est pas le moyen d’adapter les salariés aux évolutions technologiques ou à l’organisation du travail ; la formation des salariés et l’élévation de leurs niveaux de qualification sont eux-mêmes facteurs de développement des entreprises, de dynamisme de l’économie de notre pays
Il n’y aura pas d’évolution positive possible sans replacer la formation dans le besoin d’émancipation de l’individu, sans placer le salarié au centre des besoins qu’ont aujourd’hui les entreprises. Elles ont besoin, comme notre pays, de salariés mieux formés, plus qualifiés, mieux en situation d’appréhender leur avenir de celui de leur métier. Il ne suffit pas de répéter que le travail change et que les salariés doivent développer leurs compétences pour s’adapter aux besoins des entreprises.
Cette approche appartient au passé. Nous devons au contraire anticiper, prendre de la hauteur sur ces questions. La place de l’homme au travail mérite une réforme qui s’appuie sur son besoin d’épanouissement, sur l’évolution du contenu du travail et la reconnaissance de la valeur travail. C’est dans cette démarche que s’inscrit la CGT.
Pourtant la méthode employée et imposée par le gouvernement ne permettra vraisemblablement pas de s’engager dans un tel chemin qui serait si utile aux salariés et à notre économie. Le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE) doit faire des préconisations et une conférence quadripartite est prévue avant l’été pour clore un processus de négociation associant l’Etat, les régions, les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs.
Que les régions soient associées se justifie aisément au regard de leurs nouvelles compétences en matière de formation professionnelle et des efforts budgétaires qu’elles consentent. Ainsi en 2005, sur un budget total de 25,9 milliards d’euros pour la formation professionnelle, les régions ont participé à hauteur de 3,3 milliards.
Cependant cette implication des régions présente aussi des risques. D’abord, la tentation est grande pour l’Etat de se désengager en transférant sur les Régions les financements. Ensuite, ce transfert peut ouvrir, sous différentes formes, la voie à une régionalisation, totale ou partielle, brutale ou rampante, à court ou long terme, des diplômes et certifications.
On ne peut pas à la fois demander, voire imposer, la mobilité aux salariés et mettre des obstacles ou des freins aux déplacements inter régionaux en ne reconnaissant pas, partout sur le territoire national, voire en Europe, les qualifications nécessaires à l’exercice des métiers.
Dans ce contexte la CGT négociera avec la ferme volonté d’être utile au pays et à ses salariés. Nous travaillons pour que la formation professionnelle soit un droit attaché à la personne du salarié, opposable et transférable.
Nous pensons que les entreprises, les pouvoirs publics doivent investir dans la formation des salariés afin de stimuler l’économie. La formation professionnelle n’est pas un supplément d’âme, elle n’est pas un domaine réservé, elle est encore moins un moyen de régler des comptes. Elle est un besoin pour l’activité, le dynamisme, l’avenir du pays et de ses salariés.