Chronique ouvrière

L’imagination débordante des exploiteurs de sans-papiers remisée au placard

lundi 27 mai 2013 par Claude LEVY

Il s’est trouvé un employeur d’un secteur, celui des entreprises de sécurité, gros consommateur d’infractions en tous genres au droit du travail, pour réclamer à un travailleur sans papiers des dommages et intérêts pour préjudice subi par les soupçons de travail dissimulé dont il avait été accusé !

Il s’est trouvé une Cour d’appel pour suivre ce raisonnement scandaleux fort heureusement balayé par la Cour de cassation dans un arrêt publié du 13 février 2013 n°11-23920 plus riche d’enseignements que ce qu’il laisse apparaître de prime abord.

Tout d’abord la haute Cour rappelle que même si le salarié est dans l’impossibilité du fait de son défaut de titre de travail d’exécuter son préavis il peut prétendre aux indemnités visées à l’article L 341-6-1 du code du travail, devenu L8252-2, notamment à celles équivalente au préavis et à l’indemnité de licenciement, si elles sont au total supérieures à l’indemnité de rupture forfaitaire anciennement d’un mois de salaire, dorénavant fixée à 3 mois de salaires depuis la loi 2011-672 du 16 juin 2011.

C’est une confirmation de jurisprudence (voir notamment arrêts du 28 septembre 2011 n°09-70543, 29 janvier 2008 n° 06-44983, 12 mars 2002 n°99-44316).

Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, sont dorénavant concernés les travailleurs sans papiers ayant plus de 5 années d’ancienneté (2 mois de préavis et l’équivalent de l’indemnité légale de licenciement d’1/5 de mois par année d’ancienneté).

Pour tous ceux ayant moins de 5 années d’ancienneté l’indemnité forfaitaire de 3 mois, sauf conventions plus favorables, sera plus avantageuse.

Ce droit n’est pas réservé aux seuls cas où l’employeur avait connaissance de la situation irrégulière du travailleur étranger. Dans un arrêt du 26 juin 2008 n° 07-40434 il a été rappelé que :
« Attendu que, pour débouter les salariés de leurs demandes d’indemnité de préavis et d’indemnité de licenciement, la cour d’appel, après avoir constaté que la lettre de licenciement invoquait comme motif de rupture la situation irrégulière des intéressés, a retenu que l’employeur ayant embauché les salariés dans l’ignorance de la falsification des cartes de résident présentées par ces derniers, les dispositions de l’article L. 341- 6- 1 du code du travail ne trouvaient pas à s’appliquer ;

Qu’en statuant ainsi, en ajoutant une condition supplémentaire pour l’application du régime mis en place par l’article L. 341-6-1 du code du travail, que ce texte n’exigeait pas, le conseil de prud’hommes a violé, par fausse application, le texte susvisé ; »

Cependant une restriction fort dommageable et contestable à l’octroi des indemnités équivalentes au préavis et à l’indemnité de licenciement a été implicitement édictée par la Cour de cassation dans le cas où l’employeur invoquerait pour le licenciement la production, à son insu, d’un faux titre de séjour pour être embauché (Cassation sociale 4 juillet 2012 n°11-18840).
Cette décision va à l’encontre du texte même de l’article L8252-2 du code du travail qui n’édicte pas une telle restriction à l’ouverture de ce doit à l’équivalent des indemnités de rupture.

Ce n’est pas parce qu’il est interdit selon l’article L8251-1 du code du travail d’embaucher ou de conserver à son service un étranger non muni d’une autorisation de travail que pour autant il n’a pas droit en cas de rupture de son contrat aux indemnités équivalentes à celles de rupture visées à l’article L8252-2 du code du travail !

Ce n’est quand même pas « extraordinaire » de payer à un salarié exploité dans ces conditions durant plusieurs années l’équivalent de ses indemnités de rupture !

Il faut donc résister à cet arrêt du 4 juillet 2012 et continuer à soutenir une application littérale de l’article L8252-2 du code du travail.

Pour tous les cas où l’employeur était informé de cette situation irrégulière et n’a pas réagi se rapporter aux articles précédents de ce présent Site Internet (exécution et rupture d’un contrat de travail d’un travailleur sans papiers, travailleurs sans papiers mais pas sans droits).

Le deuxième enseignement de cet arrêt du 13 février 2013 stoppe nette la théorie de l’intention de nuire du salarié placé dans une telle situation.

« Vu le principe selon lequel la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ;

Attendu que pour condamner le salarié au paiement d’une somme en réparation du préjudice subi par l’employeur, l’arrêt retient que M. X... ne conteste pas avoir délibérément trompé l’employeur sur son identité et sa situation sur le territoire français et que son attitude a causé un préjudice certain à l’employeur qui, d’une part, a été soupçonné de travail dissimulé et, d’autre part, a subi les répercussions de l’interpellation d’un de ses agents de sécurité chez un client ;

Qu’en statuant ainsi, sans caractériser une faute lourde du salarié, la cour d’appel a violé le principe susvisé ; »

Où se trouverait dans une telle situation l’intention de nuire à l’employeur du salarié, qui doit bien pouvoir subvenir à ses besoins élémentaires et à ceux de sa famille et n’a bien souvent pas choisi de venir travailler en France dans un tel secteur d’activité pour le plaisir !


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