Chronique ouvrière

Elections au CHSCT : la règle de la plus forte moyenne, un principe absolu

mercredi 9 juillet 2008 par Anne GÉRAULT-MARTIN
Cass. Soc. 16 avril 2008 (CHSCT).pdf
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A la différence de l’élection des membres du comité d’entreprise qui font l’objet de dispositions détaillées de la loi, les modalités de désignation des membres composant le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail font l’objet d’un unique texte dans le Code du Travail. L’article L 4613-1 de ce code prévoit en effet que « le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail comprend le chef d’établissement ou son représentant et une délégation du personnel dont les membres sont désignés par un collège constitué par les membres élus du comité d’entreprise ou d’établissement et les délégués du personnel ».

Les modalités de désignation de ses membres n’ont pas été pas autrement spécifiées par le législateur de 1982. La jurisprudence en a donc déduit l’application des règles du droit commun en matière électorale. Il est ainsi admis qu’à défaut d’accord unanime, l’élection doit avoir lieu au scrutin de liste à un tour avec représentation proportionnelle et attribution des sièges, d’abord au quotient électoral, ensuite sur la base de la plus forte moyenne s’il reste des sièges à pourvoir. (CCASS Soc 21 mai 1986, pourvoi n°85-60478, 2 juin 1988, pourvoi n°87-61790, 25 septembre 2001, n° 3966).

Cependant, l’application de ces règles a été quelque peu perturbée par le fait que le texte ne prévoit qu’un collège unique. C’est pourquoi il est impossible de prévoir des élections séparées dans les collèges ouvriers et employés d’une part, et cadres et agents de maîtrise d’autre part CCCASS Soc 14 mars 1989, Droit Social, 645, note Savatier).

L’attribution des postes réservés aux cadres doit se combiner avec l’attribution des sièges à la liste ayant obtenue la plus forte moyenne.

Il avait été tenté de faire échec à cette la règle de la plus forte moyenne lorsque le siège de cadres n’était pas pourvu après application du quotient électoral, les organisations syndicales de cadres revendiquant alors l’attribution de ce siège.

Mais la Cour de Cassation rappelait que la règle de la plus forte moyenne ne souffrait pas d’exception et que « la répartition des sièges entre catégories de personnel n’emporte aucune modification des règles de l’élection, ni du nombre de sièges revenant à chaque liste. » (CCASS 8 janvier 1997, pourvoi n° 95-60864) et que dans une telle hypothèse, « il convenait de répartir les sièges entre les listes avant de les attribuer aux candidats selon la catégorie à laquelle ils appartenaient. » (CCASS Soc. 17 septembre 2003, pourvoi n° 02-60671).

Manifestement ces principes rappelés pourtant avec fermeté par la Haute Cour n’avaient pas découragé certaines organisations syndicales qui imaginèrent de faire alliance pour empêcher le syndicat majoritaire après application de la plus forte moyenne d’obtenir le nombre de sièges lui revenant mathématiquement.

Dans l’arrêt commenté, les syndicats FO et CFE-CGC avaient décidé de faire liste commune et faisaient figurer en tête de liste deux salariés n’appartenant pas au collège cadre, à l’inverse des deux suivants. L’autre liste issue de l’alliance entre les syndicats CGT et SUD ne comportait pas de cadre ou agents de maîtrise.

Deux sièges devaient être réservés aux cadres.

Après application du quotient électoral, la première liste se voyait attribuer 3 sièges, soit deux sièges attribués aux salariés du collège ouvriers et employés, le troisième au cadre et ce, dans l’ordre de la liste. La seconde liste s’en voyait attribuer deux attribués aux non-cadres.

Il restait un siège à pourvoir. Comme un seul des sièges réservés aux cadres avaient été pourvu, les membres des syndicats FO et CFE-CGC revendiquaient donc ce dernier siège en soutenait qu’il devait être tenu compte de l’ordre de présentation de la liste.

Cette modalité d’attribution ignorait superbement la règle de la plus forte moyenne laquelle en l’occurrence mettait en tête la liste CGT-SUD.

Le tribunal d’instance de ROUEN faisait droit à la demande fort opportune de l’employeur et attribuait le dernier siège au cadre.

La Cour de Cassation était saisie. C’était pour elle l’occasion de rappeler les principes posés en 1997 et en 2003 et de préciser que l’ordre de présentation dans la liste était indifférent. Elle cassait donc le jugement rendu par le tribunal d’instance de ROUEN et décidait que les sièges attribués aux cadres devaient être attribués lors de la première phase aux candidats relevant de cette catégorie « nonobstant l’ordre de présentation sur la liste » Le sixième siège devait alors nécessairement revenir à l’organisation ayant obtenu la plus forte moyenne.

L’arrêt rapporté a donc la mérite de confirmer avec raison l’absence d’exception au principe selon lequel la répartition des sièges entre catégories de personnel n’emporte aucune modification du nombre de sièges revenant à chaque liste.

Il permet en outre de déjouer des manœuvres électorales destinées à écarter une organisation syndicale même si celle-ci a obtenu la plus forte moyenne.

Toutefois, il n’est pas certain que cet arrêt publié au bulletin mettra fin au contentieux en la matière, ce que seule la loi pourrait faire en instituant un collège réservé aux cadres et agents de maîtrise.


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