Chronique ouvrière

Qui veut la mort de la défense syndicale ?

samedi 13 novembre 2010 par Claude LEVY

Un salarié a été bénéficiaire d’un arrêt de la Cour d’Appel de Paris en 2009 lui accordant une créance de 24 948 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé (voir précédent article « travail dissimulé et omission de statuer).

L’arrêt précise que cette somme sera garantie par les AGS dans les limites légales applicables sans fixation d’un plafond particulier.

Le mandataire informait le salarié que l’AGS avait appliqué le plafond 4 et n’avancera pas les fonds à payer pour un total de 2 819,25 €.

C’est dans ces conditions que le salarié saisissait à nouveau le Conseil de Prud’hommes de PARIS sur le fondement des dispositions des articles L621-27 et L621-28 devenus suite à une recodification L625-4 et L625 du code du commerce (anciennement article 125 de la loi du 25 janvier 1985) pour contester l’application du plafond 4.

Une affaire fort intéressante en perspective se faisait jour (voir précédent article « déplafonner la garantie des AGS »).

Il s’est pourtant trouvé une présidente du collège……….. salarié, dont on ne donnera pas l’appartenance syndicale par souci de neutralité, pour rendre une ordonnance de renvoi aux fins de régularisation de la procédure, considérant que le défenseur syndical ne pouvait valablement représenter le salarié, au motif qu’il n’y avait pas de lien de connexité suffisant entre les salariés des hôtels cafés restaurant et ceux des sociétés relevant de la convention collective des organisations de formation pour qu’ils puissent appartenir au même syndicat (sic !), et pour qu’un délégué du syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques puisse prétendre représenter valablement un enseignant, pourtant lui-même syndiqué à la CGT.

Ce faisant, la présidente du collège salarié du Conseil de Prud’hommes de PARIS a commis un déni de justice dont le salarié s’est réservé le droit de réclamer réparation, et rajouté au texte de l’article R1453-2 du Code du Travail (anciennement R516-5) des conditions qu’il ne prévoit pas.

Article R 1453-2

Les personnes habilitées à assister ou à représenter les parties sont :

1. Les salariés ou les employeurs appartenant à la même branche d’activité.

2. Les délégués permanents ou non permanents des organisations d’employeur et de salariés.

3. Le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin.

4. Les avocats.

5. L’employeur peut également se faire assister ou représenter par un membre de l’entreprise ou de l’établissement.

Il n’est nulle part mentionné dans ce texte que le délégué syndical doive appartenir à la même branche d’activité ou que son syndicat doive faire partie du même territoire que celui du syndicat du salarié assisté, et ce dans le but évident de faciliter l’assistance devant les Conseils de prud’hommes.

C’est dans ce sens qu’a tranché la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 11/03/1993 de la 21ème Chambre C concernant le même délégué syndical et la Cour de Cassation dans un arrêt du 16/11/1995, n° 94-40381.

Accepter de dénaturer, comme l’a fait la présidente du collège salarié du Conseil de Prud’hommes de PARIS, les dispositions de l’article R1453-2 du Code du Travail, constitue une atteinte inacceptable au droit d’être défendu par un défenseur syndical, étant précisé que, dans le cas d’espèce, tous deux appartiennent à la même organisation syndicale, la CGT, dont la structuration ne regarde qu’elle.

Avec un tel raisonnement patronal on pourrait suggérer d’interdire aux salariés d’une entreprise utilisatrice de défendre les salariés d’une entreprise sous traitante et les salariés intérimaires travaillant dans les mêmes locaux qu’eux, au motif qu’ils n’appartiennent pas à la même branche d’activité.
Le corporatisme n’est ainsi pas où l’on pense !

Déjà, la règle prétorienne édictée par la Cour de Cassation, contraire au texte de l’article L1453-2 du CT et qui fait fi du paritarisme propre à la juridiction prud’homale, visant à interdire à un salarié d’être assisté par un défenseur syndical conseiller prud’hommes du Conseil où son affaire doit être jugée, même s’il n’appartient pas à la même chambre ou à la même section, a décimé les rangs des défenseurs syndicaux mandatés par les organisations syndicales reconnues comme telles et ouvert la voie à des officines douteuses que l’ordre des avocats serait bien inspiré de poursuivre pour exercice illégal de la profession, plutôt que de laisser pourrir la situation afin de réclamer ultérieurement la disparition de la défense syndicale.

Nul doute que la confirmation de l’ordonnance prud’homale de renvoi aurait porté un nouveau coup très dur à la défense syndicale qui ne serait justifié par aucun texte.

Fort heureusement la Cour d’appel de PARIS a confirmé sa jurisprudence de 1993 et a rappelé simplement les dispositions de l’article R1453-2 pour en conclure qu’un délégué syndical du syndicat CGT-HPE pouvait valablement défendre un salarié de la branche d’activité qui n’est pas la sienne.

A bon entendeur salut !

Annexes

Ce commentaire est accompagné de trois annexes à consulter avec Adobe Acrobat Reader :

Annexe 1 : CPH Paris, 2 mars 2010

CPH Paris 2 mars 2010.pdf

Annexe 2 : CA Paris, 11 mars 1993

CA Paris 11 mars 1993.pdf

Annexe 3 : CA Paris, 28 octobre 2010

CA Paris 28 octobre 2010.pdf

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