Chronique ouvrière

Il faut respecter la liberté syndicale, tonnerre de Brest !

dimanche 8 novembre 2009 par Pascal MOUSSY
T.I. Brest 27 Octobre 2009.pdf

Le nouvel article L. 2143-3 du Code du Travail, qui reprend le principe posé par l’article 10-3 de la Position commune, prévoit que le délégué syndical doit être désigné parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou des délégués du personnel.
Commentant cette nouvelle règle, Jean Maurice VERDIER a émis de sérieuses réserves. « Il aurait mieux valu laisser l’entière liberté de choix au syndicat. Il est normal que le syndicat puisse désigner ou révoquer en fonction de débats internes au syndicat, sans être gêné par cette exigence d’un délégué syndical « candidat ». Le critère d’audience peut éventuellement s’opposer au critère d’efficience. Ce n’est pas nécessairement le candidat ayant recueilli au moins 10 % des voix qui sera le délégué syndical le plus efficace. Le délégué syndical représente le syndicat et non la section syndicale et, bien entendu, pas les électeurs » (Interview de J.M VERDIER dans Chronique Ouvrière du 24 mai 2008, « Quelques interrogations sur la position commune du 9 avril 2008 »).

Il a également été relevé dans Chronique Ouvrière que cette prise en compte du critère électoral dans la désignation du délégué syndical malmène quelque peu le principe de l’autonomie syndicale (voir K. GHAZI, P. MOUSSY, « L’implantation syndicale et le principe d’autonomie à l’épreuve de la loi du 20 août 2008 », Chronique Ouvrière du 1er avril 2008).

Ce « durcissement des conditions de désignation du délégué syndical » a par ailleurs été critiqué par Georges BORENFREUND, qui a regretté la dilution de la distinction entre représentation élue et représentation syndicale suscitée par la double condition d’audience. « L’exercice du droit syndical doit être d’abord perçu, quant à lui, comme l’une des déclinaisons naturelles ou, si l’on préfère, l’une des modalités immédiates de mise en œuvre de la liberté syndicale. En conséquence, les droits syndicaux justifieraient une pleine reconnaissance dans le cadre de l’entreprise, indépendamment de toute exigence d’audience, donc de toute forme de légitimité extérieure au syndicat lui-même » (G. BORENFREUD, « Le renouveau du droit syndical dans l’entreprise : entre faveur et défiance ? », Dr. Soc., 2009, 706 et s.).

Ce souci de voir préservée la liberté syndicale a tout récemment été pleinement affirmé par le Tribunal d’Instance de Brest qui, par son jugement du 27 octobre 2009, a refusé d’annuler la désignation d’un délégué syndical, qui était contestée au motif que le syndicat qui avait procédé à la désignation n’avait pas atteint les fameux 10 %.

Le Tribunal, rappelant le pouvoir du juge d’écarter une loi contraire aux dispositions nationales et aux règles communautaires, a validé la désignation contestée après avoir notamment considéré que la loi du 20 août 2008 méconnaît les dispositions de l’article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article 11 de la convention européenne, qui consacre la liberté syndicale, interdit toute restriction à cette liberté autre que celles nécessaires, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

L’obligation de choisir le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % ne rentre certainement pas dans les restrictions visées par l’article 11.

C’est donc en toute logique que le Tribunal d’Instance de Brest n’a pas voulu valider une loi qui lui a paru contrarier le principe de la liberté syndicale et constituer une ingérence dans le fonctionnement syndical.


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