Chronique ouvrière

Un coup de gomme ne suffit pas à faire disparaître les heures impayées

dimanche 5 décembre 2010 par Pascal MOUSSY
Cassation du 24 novembre 2010.pdf

Depuis le 31 décembre 1992, le législateur ne fait plus peser sur les épaules du salarié la charge de la preuve des heures de travail effectuées. Les termes de l’article
L. 3171-4 (ancien article L. 212-1-1) du Code du Travail sont non équivoques : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».

S’il veut éviter la condamnation au paiement des heures qu’il est accusé d’avoir volées, c’est à l’employeur, qui organise et distribue le travail, directement ou par responsables intermédiaires interposés, de fournir les explications les plus détaillées et convaincantes possibles sur les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Il appartient seulement au salarié de donner au préalable des informations sur les heures de travail dont il revendique le paiement.

Par un arrêt du 16 mai 2007 (voir Chronique Ouvrière du 15 août 2007, P. MOUSSY, « Sur la preuve des heures supplémentaires »), la Cour de Cassation a souligné que le juge ne saurait légitimement confondre « étayer » et « prouver ». Le juge ne peut rejeter la demande en paiement des heures litigieuses au motif que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de sa demande. Par un arrêt du 21 janvier 2009 (RJS 4/09, n° 334), la Chambre Sociale a confirmé qu’il n’était pas question de remettre en cause le rééquilibrage mis en place par la loi du 31 décembre 1992 : le salarié est seulement tenu de fournir préalablement au juge des indices sur la réalité des heures revendiquées.

L’arrêt du 24 novembre 2010 nous indique qu’ « il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ».

Il censure la démarche des juges d’appel qui avaient rejeté la demande de paiement d’heures complémentaires présentée par la salariée après avoir considéré que ne méritait pas l’examen un décompte calculé au crayon, calculé mois par mois.

Mais tout le monde n’a pas les moyens de se payer un stylo mont blanc ou un ordinateur portable dernier cri pour attirer l’attention des juges sur le comportement de l’employeur qui ne veut pas mettre la main à la poche, une fois les heures de travail effectuées.

La salariée avait minutieusement établi au crayon le nombre d’heures pendant lesquelles elle avait œuvré pour la prospérité de l’entreprise et qui ne lui avaient pas été payées.

Un coup de gomme ne pouvait suffire à faire disparaître ce décompte précis auquel l’employeur pouvait parfaitement répondre.


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