Chronique ouvrière

Lorsque la séparation des pouvoirs conduit à une opposition des souverainetés dans l’appréciation de la réalité de la cessation d’activité

samedi 16 janvier 2010 par Pascal MOUSSY
Cass. Soc. 8 juillet 2009.pdf
CE 16 décembre 2009.pdf

Interprétant le fameux « notamment » qui caractérise la définition donnée par la loi (article L. 321-1 ancien et L. 1233-3 nouveau du Code du Travail), les juges admettent la cessation d’activité comme un motif économique de licenciement.

Mais la cessation d’activité doit alors être définitive et totale (voir n° 14432 du 29 juillet 2005 de Liaisons Sociales, « Licenciement économique. Prévention – Définition – Procédure »).

Lorsqu’un licenciement pour motif économique présenté comme résultant d’une cessation d’activité suscite un contentieux, c’est aux juges du fond qu’il appartient d’apprécier souverainement la réalité de la cessation d’activité invoquée par l’employeur.

Cette appréciation souveraine peut parfois donner lieu à une petite cacophonie.

Une entreprise de papeterie, exerçant son activité dans le secteur du papier ordinaire A4 et dans celui du papier photocopiant, avait cessé la première activité en 2001 et décidé, en janvier 2003, d’arrêter toute activité de production. Elle avait donc présenté comme inévitable le licenciement de son personnel, dont elle disait ne plus avoir besoin.

Plusieurs salariés ayant contesté leur licenciement, les juges ont eu à vérifier la réalité du motif économique des licenciements. Ils ont eu à apprécier si la cessation d’activité avait été totale.

Par son arrêt du 8 juillet 2009 (Dr. Ouv. 2010, 51), la Cour de Cassation relève que la Cour d’Appel de Pau, statuant en matière prud’homale, a constaté, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l’employeur avait cessé totalement son activité à l’époque des licenciements.

Par son arrêt du 16 décembre 2009, le Conseil d’Etat souligne que la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, qui était intervenue dans le contentieux suscité par le refus d’autorisation de licenciement de deux salariés protégés, a souverainement apprécié, après avoir relevé la poursuite par cette même société d’une activité commerciale et de stockage et le maintien de trois emplois sur les vingt trois existants, que la situation n’était pas de nature à caractériser une cessation totale d’activité.

Comment expliquer la différence de vision de cette même cessation d’activité entre les conseillers de Pau et ceux de Bordeaux ?

Il est précisé dans l’arrêt de la Cour de Cassation qu’il ne résulte ni de l’arrêt de la Cour d’Appel, ni de la procédure que les salariés aient soutenu que la cessation d’activité avait été partielle.

Apparemment, pour certains, l’oralité de la procédure doit conduire le juge statuant en matière prud’homale à se suspendre aux lèvres du demandeur. L’exercice peut exiger une grande virtuosité… et une extrême concentration, au point de négliger de porter son attention sur la vérification du caractère total de la cessation d’activité.


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