Chronique ouvrière

Chacun a droit au respect de ses convictions personnelles

mercredi 18 janvier 2012 par Claude LEVY
CPH Paris 3 novembre 2011.pdf

En ces temps de montées de certaines idéologies nauséabondes et de perte de repères fondamentaux, certains employeurs se voient pousser des ailes jusqu’à motiver leur lettre de licenciement de reproches dignes des pires éditoriaux d’une certaine presse racoleuse.

Un commis de cuisine qui travaillait paisiblement chez un restaurateur des beaux quartiers s’est vu reprocher entre autres motifs de licenciement d’avoir été pris en « flagrant délit de prière musulmane…en bande organisée » !

Bigre, y aurait-il un courant salafiste inconnu des renseignements généraux sur l’île saint louis ? Prierait-on sur les trottoirs de ce beau quartier à deux pas de l’église notre dame ?

Que nenni, notre commis de cuisine, comme le font des milliers de travailleurs musulmans dans la restauration qui pratiquent discrètement leur religion sans faire d’histoires, avait pris
5 minutes de sa pause pour prier, comme il le faisait depuis 4 ans dans ce restaurant.

Particularité de cette affaire, l’employeur qui avait toujours reconnu en son salarié un bon élément était intervenu dans le passé auprès de la préfecture pour l’aider à régulariser sa situation de travailleur sans papiers.

Comment expliquer ce dérapage ? Très certainement par la réorganisation en cours dans cet établissement et par les propos de certains responsables politiques visant à fustiger les prieurs de rue du 18ème arrondissement de PARIS.

Le Conseil de prud’hommes a très moyennement apprécié l’humour douteux de l’employeur et a prononcé la nullité réclamée du licenciement, considérant l’attaque faite contre les convictions personnelles du salarié.

L’intérêt supplémentaire de cette décision réside dans le prononcé de la nullité du licenciement sur le fondement des articles L1132-1 et 4 du code du travail qui prohibent, entre autres interdictions, l’atteinte aux convictions religieuses, sous peine de nullité, même en présence d’une lettre de rupture où d’autres motifs tels qu’insultes et crachats envers l’employeur et les collègues de travail étaient énoncés.

Le Conseil a refusé à juste titre d’examiner ces derniers motifs et n’a retenu que le seul élément d’atteinte à un des droits fondamentaux de tout salarié pour prononcer la nullité, reprenant là la jurisprudence invoquée sur la dénonciation de la maltraitance et le droit de grève, aux termes de laquelle le caractère illicite du motif du licenciement tiré de la participation à une grève ou de la dénonciation de la maltraitance emporte à lui seul la nullité de ce licenciement (Cassation sociale 26 septembre 2007 n°06-40039, 8 juillet 2009 n° 08-40139).

On mobilisera utilement la formation de référés, s’agissant d’une atteinte à un droit fondamental constitutif d’un trouble manifestement illicite.


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