Chronique ouvrière

Exploitation à la façon McDo ou à la mode halal ? Le juge des référés marseillais face à un sacré pastis.

lundi 1er octobre 2018 par Pascal MOUSSY
TGI Marseille 7 septembre 2018.pdf

Au début du mois de mai, les salariés de six restaurants McDonald’s de la région marseillaise (McDo de la Blancarde, Saint-Victoret, Grand Littoral, Plan-de-Campagne, Vitrolles et Saint-Barthélémy) ont appris qu’ils allaient bientôt changer de patron.

Les salariés concernés par la cession ont vu celle-ci d’un « mauvais œil ».

Le repreneur de cinq des restaurants, dont le projet était de continuer de les exploiter sous l’enseigne McDonald’s, était en effet connu pour avoir fait parler de lui pour « ses méthodes managériales musclées » (voir sur le détail de celles-ci, Marsactu du 11 mai 2018, « La valse des franchisés durcit le climat social chez McDo », https://marsactu.fr/la-valse-des-franchises-durcit-le-climat-social-chez-mcdo/).

Le sixième McDo, celui de Saint-Barthélémy, qui réunissait l’essentiel de la force syndicale dont l’action avait à l’origine de l’obtention de certains « avantages » sociaux pour les salariés de l’ensemble des six restaurants, était destiné à changer d’enseigne et de genre d’alimentation fournie (en se spécialisant dans la nourriture asiatique halal).

Le CHSCT et le comité d’entreprise de l’unité économique et sociale constituée par les six restaurants destinés à être cédés ont saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Marseille afin qu’il annule la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel en l’absence d’un document spécifique d’information sur la prise en compte des risques psychiques et psychosociaux ainsi que pour défaut de consultation préalable sur les orientations stratégiques et afin qu’il fasse interdiction de mettre en œuvre le projet de cession.

L’ordonnance rendue le 7 septembre 2018 se décompose en deux parties.

En premier lieu, elle considère que les représentants du personnel ont été régulièrement consultés sur le projet de cession et que les cessions relatives aux cinq sociétés appelées à continuer leur exploitation sous l’enseigne McDonald’s ne revêtent aucun caractère illicite.

En second lieu, en ce qui concerne le sixième restaurant, elle interdit la résiliation du contrat de location gérance Mc Donald’s et de procéder à sa cession à la société HALIFFOD & CO, sous astreinte de 500 000 € par infraction constatée, après avoir considéré être en présence d’ « une opération manifestement grossière destinée à réaliser une substitution frauduleuse d’employeurs » caractérisant un trouble manifestement illicite.
Le juge des référés, à la septième page de son ordonnance, a donné le détail des raisons qui l’ont conduit à neutraliser les effets d’une opération mettant volontairement en danger l’emploi des 77 salariés du restaurant de Saint-Barthélémy.

Il en ressort que « la complexité du montage juridique des modalités de la cession relative au restaurant MC DONALD’S de la société SODEBA (dont la société PHOCEA PARTENAIRES détient 100% du capital) ne permet cependant pas de masquer le caractère sérieusement douteux d’une transmission d’un fonds de commerce réel au repreneur final, que surtout et très concrètement, il est raisonnablement inenvisageable qu’un établissement de restauration fast-food désormais destiné à la vente d’une nourriture pour le moins singulière (halal asiatique) puisse économiquement prospérer à brève et moyenne échéance en conservant ses salariés au regard de l’insuffisance manifeste et grossière des éléments humains, matériels et financiers dont dispose la société HALIFOOD & CO ».

La mobilisation contre la cession du restaurant de Saint-Barthélémy a eu les honneurs de la presse qui a mis en avant le refus de voir disparaître le Mc Do (voir, par exemple, l’article paru dans Le Monde du 20 août 2018, « Les quartiers nord de Marseille se battent pour garder leur McDo. Le projet de reprise par un fast-food asiatique halal irrite salariés et habitants »).

L’interdiction faite par le juge des référés d’exploiter le restaurant autrement que sous la bannière McDonald’s n’a pas pour autant résolu les problèmes des salariés devant travailler dans les restaurants arborant fièrement la célèbre enseigne.

L’après-midi même de l’intervention de l’ordonnance rendue par le juge des référés, le repreneur des cinq autres restaurants revendiquant l’appellation McDonald’s exprimait fortement son intention de prendre possession du restaurant de Saint-Barthélémy en s’y présentant en compagnie d’agents de sécurité agressifs.

Le lendemain de cette tentative d’intimidation de la part d’un employeur soucieux de mette en œuvre des méthodes standard d’exploitation, les salariés de quatre des cinq restaurants cédés à ce dynamique repreneur se mettaient en grève.

La brutalité d’un employeur « coupeur de têtes » et rompu aux méthodes d’intimidation était alors vivement dénoncée (voir, notamment, l’article « Marseille : les McDo ne digèrent pas les propositions du repreneur », http://www.lamarseillaise.fr/marseille/social/72341-mcdo-les-salaries-ne-digerent-pas-les-propositions-du-repreneur).


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