Non à la répression à l’usine de Renault de Maubeuge ! Le salarié licencié pour avoir participé à la grève contre le projet de loi El Khomri doit être réintégré !
Les différentes organisations syndicales du département du Nord engagées dans le combat, ont appelé pour le 17 mars 2016 à faire grève contre le projet de loi El Khomri et à manifester ce même jour à Lille.
Un salarié de l’usine Renault de Maubeuge (ou Maubeuge Construction Automobile), filiale du groupe Renault, a répondu à cet appel. Ce qui lui a valu une lettre de licenciement.
Il lui a été reproché d’avoir été le seul à s’être déclaré en grève dans l’usine le 17 mars et d’être coutumier du fait de ne pas s’assurer s’il est suivi par ses collègues de travail lorsqu’il pose les gants pour rejoindre une manifestation appelée pour soutenir des revendications qui dépassent le cadre de l’entreprise, ayant déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour ce motif le 26 juillet 2013.
Il a donc été licencié pour « abus manifeste du droit de grève et s’inscrivant dans la récidive ».
Le motif du licenciement est pour le moins osé.
Il est aujourd’hui acquis que l’arrêt de travail d’un seul salarié de l’entreprise qui participe à un mouvement général constitue une grève (voir G. AUZERO, E. DOCKES, Précis Dalloz de Droit du travail, 30e éd., 1517).
Déjà, le 19 novembre 1968, le Tribunal de grande instance d’Albertville avait jugé que ne pouvait être discuté le caractère collectif de l’arrêt de travail observé par un ouvrier sur un chantier pour s’associer au mouvement de grève générale de mai et juin 1968 (JCP 1969, II, 15789).
La Cour de cassation, par son arrêt Lhomme du 29 mai 1979 (n° 78-40553 ; Bull. V, n° 464 ; Dr. Ouv. 1980, 18), a confirmé qu’un salarié qui avait été le seul de son entreprise à s’associer à une grève nationale organisée le 7 octobre 1976 pour protester contre le plan Barre avait participé à une « grève licite », les revendications portées ce jour-là n’intéressant pas son seul employeur, qui n’avait pas à être spécialement informé de la participation de son salarié à la grève.
Cet arrêt a reçu la pleine approbation d’une doctrine autorisée. « L’indifférenciation professionnelle est patente. La Cour de cassation prend en considération la généralité du traitement subi par les salariés (conditions de travail, baisse du pouvoir d’achat, etc.). Cette solution conforme au vécu quotidien des travailleurs dans leur ensemble est parfaitement réaliste. Au surplus, la liberté individuelle de grève est exercée dans l’entreprise sans que l’employeur puisse s’y opposer ou la limite en quelque façon que ce soit » (H. SINAY, J-CL. JAVILLIER, La grève, Dalloz, 1984, 163).
Un « fin juriste » patronal ayant à cœur de défendre la lettre de licenciement écrite par la direction de l’usine Renault de Maubeuge pourrait objecter que les décisions de justice précitées ont été rendues à propos de grèves nationales et non départementales.
L’argument brillerait par son manque de sérieux.
D’une part, le communiqué intersyndical qui appelait à la manifestation lilloise du 17 mars soulignait que cette journée d’action s’inscrivait dans la continuité de la journée d’action du 9 mars et annonçait la journée de mobilisation du 24 mars. Il ne sera certainement pas contesté que les 9 et 24 mars 2016 ont été des journées d’actions organisées à l’échelle nationale.
D’autre part, le centre de gravité de la motivation des deux décisions de justice précitées ne résidait pas dans le caractère « national » du mouvement de grève auquel le salarié avait participé mais dans la dimension collective de revendications ne concernant pas que le seul employeur du salarié ayant cessé le travail. Il serait quelque peu prétentieux, de la part de la direction de l’usine Renault de Maubeuge, de soutenir qu’elle serait seule habilitée à se prononcer sur la décision de procéder au retrait du projet de loi El Khomri valant tentative de refonte du code du travail.
En tout état de cause, la réponse judiciaire à apporter au licenciement du gréviste participant à la dénonciation collective contre le projet de loi El Khomri est limpide. Il s’agit d’un licenciement pour fait de grève, constitutif d’un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés prud’homal de faire cesser en ordonnant la poursuite du contrat de travail (la « réintégration » ) du salarié dont le licenciement est frappé de nullité (voir, à ce sujet, G. AUZERO, E. DOCKES, Précis Dalloz de Droit du travail, 30e éd., 1529 ; Cass. Soc. 26 septembre 1990, n° 88-41375, Dr. Ouv. 1990, 457 et s., note F.S.).
Mais cette affaire mérite de sortir du prétoire. Elle témoigne d’une volonté de réprimer violemment l’exercice du droit de grève par une entreprise appartenant à un groupe qui semble, depuis l’année 2016, être atteint du syndrome d’Erdogan.
Renault a été récemment dénoncé pour avoir choisi la voie de la répression en licenciant des dizaines d’ouvriers de son usine Oyak, en Turquie, qui avaient eu le mauvais goût de se lancer dans l’action collective pour défendre leurs revendications professionnelles (http://multinationales.org/Libertes-syndicales-Renault-licencie-et-appelle-la-police-contre-ses).
Avec le licenciement notifié le 2 mai dernier, le vent du despotisme semble maintenant souffler du côté de Maubeuge. Mais il n’est pas acquis qu’il fasse courber la tête des travailleurs des différentes usines Renault.
La coordination CGT du groupe Renault et le syndicat CGT de Maubeuge Construction Automobile ont diffusé un tract dénonçant le licenciement ostensiblement attentatoire au droit de grève et invitant à agir pour obtenir l’annulation du licenciement.
Ils ont invité à signer une pétition qu’il est possible de se faire communiquer en envoyant un mail à l’adresse suivante : usines@cgt-renault.com
Annexes :
Pascal MOUSSY
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