Chronique ouvrière

Le droit de grève dans l’hôtellerie plie mais ne se rompt pas !

jeudi 27 février 2020 par Claude LEVY
CA Paris 17 février 2020.pdf

Après 9 ans de procédure la 2ème chambre de l’instruction de la Cour d’appel de PARIS vient de rendre un arrêt qui renvoie le juge d’instruction saisi de cette affaire à ses études, lui qui avait rendu une ordonnance de non-lieu qui ouvrait un boulevard au contournement du droit de grève au Concorde Montparnasse et ailleurs.

Les faits étaient relativement simples. La direction de l’UES STARWOOD (ex UES CONCORDE TAITTINGER) avait imaginé de remplacer des grévistes de l’un de ses établissements, le CONCORDE MONTPARNASSE, qui était constitué en entreprise distincte, SNC CONCORDE Montparnasse devenue SAS Hôtel Montparnasse, par des salariés détachés de la SNC TOUR LA FAYETTE (Concorde La Fayette) et de la COMACO, autres établissements entreprises de l’UES.

Ces « détachements » avaient été effectués dans la précipitation pour pallier dans l’urgence aux conséquences du mouvement de grève de juin 2011.

Ils ne satisfaisaient nullement aux conditions de validité posées par l’article L 8241 – 2 du code du travail lequel dispose que le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif conclu entre entreprises, requiert notamment :

« 1° L’accord du salarié concerné ;

2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;

3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

A l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice.

Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d’un mandat représentatif.

Pendant la période de prêt de main-d’œuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse.

Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l’entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en œuvre d’un prêt de main-d’œuvre et informés des différentes conventions signées.

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l’entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa de l’article L. 4154-2.

Le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, les délégués du personnel de l’entreprise utilisatrice sont informés et consultés préalablement à l’accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêts de main-d’œuvre.

L’entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d’œuvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut y être mis fin à la demande de l’une des parties. Cette période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d’œuvre entraîne la modification d’un élément essentiel du contrat de travail. La cessation du prêt de main-d’œuvre à l’initiative de l’une des parties avant la fin de la période probatoire ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement. »

Force est de constater que ni les sociétés Tour La Fayette et Comaco ni la société HOTEL MONTPARNASSE n’ont satisfait à ces obligations

Cette absence volontaire de ne pas consulter les institutions représentatives du personnel constituaient bien les délits d’entrave aux fonctions des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise et des membres du CHSCT.

Enfin, il était à noter que Monsieur le Procureur de la République ne s’était pas prononcé concernant les trois salariés de la société COMACO (CONCORDE MANAGEMENT COMPANY) qui étaient venus travailler à l’hôtel Concorde Montparnasse le 24 juin 2011.

La lettre du SYNDICAT CGT DES HOTELS DE PRESTIGE ET ECONOMIQUES du 27 juillet 2011 à la société DE LA TOUR LAFAYETTE sollicitant copie des conventions de détachement conclues ainsi que du libellé des clauses des contrats de travail des salariés détachés permettant une telle opération, s’était heurtée à un refus de la société LA TOUR LAFAYETTE selon courrier en date du 3 août 2011 qui considérait qu’elle n’avait pas à communiquer les conditions et donc les conventions dans lesquelles ladite société résolvait ses problèmes avec ses prestataires.

La chambre de l’instruction ordonne un supplément d’information aux fins de mise en examen de la SAS Hôtel Montparnasse, de sa DRH, de la personne physique pénalement responsable de la société de la Tour La Fayette.

Une piqure de rappel bien utile, même si elle intervient 9 ans après les faits, aux dérapages de nos « penseurs » de l’UMIH et du SYNORCATH.

Les directions de groupe hôteliers ne manquent pas d’imagination et cette affaire rappelle celle des directeurs « bénévoles » de Louvre Hôtels group » venant remplacer les grévistes du Campanile Tour Eiffel pendant leur grève de 2016 qui a abouti à la fin de la sous-traitance du service de l’hébergement dans leur hôtel.

A quand la prochaine « innovation » de nos hôteliers ?

Annexe :

TGI Nanterre 28 avril 2016.pdf

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