Chronique ouvrière

Le juge des référés administratif accorde une provision à l’agent contractuel illégalement licencié au seul motif qu’il doit laisser sa place à un titulaire

dimanche 9 mai 2010 par Pascal MOUSSY
C.A.A. Marseille 19 mars 2010.pdf
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Il était jusqu’alors traditionnellement admis par le Conseil d’Etat qu’un agent contractuel pouvait être licencié pour le seul motif de son remplacement par un agent titulaire. Le postulat était en effet posé qu’un emploi occupé par un agent contractuel, même si son contrat a la nature d’un contrat à durée indéterminée, est considéré comme vacant (voir, à ce sujet, L. MARCOVICI, « Des agents publics contractuels mieux protégés », AJDA 2010, 784).

Mais l’objectif de résorption de l’emploi précaire affiché par la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 a conduit à considérer que l’agent contractuel ne doit pas être démuni de toute garantie contre la perte d’emploi.

Sensible à la préoccupation du législateur, le Conseil d’Etat, par son arrêt Cavallo du 31 décembre 2008 (n° 283256 ; AJDA 2009, 147), a affirmé que le contrat de recrutement d’un contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci. Ce qui entraîne deux conséquences. Lorsque le contrat est entaché d’une irrégularité, notamment parce qu’il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d’agents dont relève l’agent contractuel en cause, l’administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuivre régulièrement. Si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l’administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l’agent contractuel un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser la situation.

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille, statuant en référé le 19 mars 2010, s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt Cavallo.

La Cour administrative d’appel de Marseille fait un rappel essentiel. Il résulte des dispositions de la loi du 26 juillet 2005, éclairées par leurs travaux préparatoires, qu’un agent contractuel titulaire d’un contrat à durée indéterminée « ne peut faire l’objet d’un licenciement que dans l’hypothèse où, à la suite d’une décision formelle ou d’une réorganisation du service ayant le même effet, son poste est supprimé, et où son reclassement est impossible, ou pour des motifs liés à sa manière de servir ou à son aptitude à exercer ses fonctions ».

Le juge des référés administratif en a déduit que ne rentrait pas dans la liste de ces motifs de licenciement légalement admis le remplacement de l’agent contractuel par un agent titulaire.

L’éviction de l’agent contractuel ne peut déboucher sur un licenciement qu’à la condition que les autres solutions d’emploi à un niveau équivalent lui aient été proposées.

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 19 mars 2010 a été rapproché d’un arrêt de la même cour rendu le 30 mars 2010 (n° 08MA00641), qui a mis en exergue « un nouveau principe général du droit » : « celui qui impose à l’administration, lorsqu’elle supprime l’emploi d’un agent bénéficiaire à durée indéterminée, de le reclasser » (L. MARCOVICI, chr. préc., 786). L’administration ne peut procéder au licenciement que si le reclassement s’avère impossible ou si l’agent refuse le reclassement proposé.

En tout état de cause, le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Marseille n’a pu que constater le caractère non sérieusement contestable de l’obligation du département de l’Hérault de rechercher les possibilités de reclassement du contractuel qui devait céder la place à un titulaire.

Le manquement à cette obligation a fait naître au profit de l’agent contractuel un peu trop expéditivement licencié le droit au versement d’une provision.

Dans les circonstances de l’espèce, l’agent contractuel n’avait pas versé au dossier de précisions sur les revenus perçus depuis l’intervention du licenciement irrégulier. Mais le juge des référés a considéré que le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence causés par le licenciement permettaient de fixer à 15 000 € le montant de la provision.


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