Ghislaine est relaxée. elle avait le droit d’écrire et de dire : "An band béké profité, volé, Nou ké fouté yo deho !"
Les circonstances dans lesquelles Ghislaine JOACHIM-ARNAUD, secrétaire générale de la CGTM, a été convoquée à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Fort- de-France pour « provocation à la discrimination, à la haine, à la violence à l’égard d’un groupe de personnes, en l’occurrence les békés à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation ou une race déterminée » ont déjà commentées sur le site de Chronique Ouvrière.
D’abord, dans une interview mis en ligne le 6 novembre 2010, qui a donné l’occasion à Ghislaine JOACHIM-ARNAUD de nous faire part de sa conviction que « Le 15 décembre prochain, les békés veulent un procès colonial pour faire payer le mouvement de février et mars 2009 ».
Ensuite, dans un commentaire de Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS et de Pascal MOUSSY, mis en ligne le 8 mars 2011, « Actualités coloniales. Aujourd’hui, à Fort-de-France, ne pas se laisser exploiter en silence coûte 5001 € ».
Depuis lors, une nouvelle péripétie est intervenue dans l’affaire de Ghislaine. Le 3 mai 2012, la Cour d’appel de Fort-de-France a infirmé en toutes ses dispositions le jugement colonial qui avait été prononcé par le Tribunal correctionnel de Fort-de-France.
Pour entrer en voie de condamnation, les premiers juges s’étaient (un peu laborieusement) employés à expliquer pourquoi ils retenaient comme fondée l’accusation de provocation à la discrimination raciale.
Les conclusions d’appel, ainsi que les plaidoiries des quatre défenseurs de Ghislaine, ont fait ressortir que les propos incriminés ne mettaient aucunement en cause une personne ou un groupe de personnes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, mais un groupe social économiquement dominant, constitué à la Martinique par les békés ou les grands patrons de la région.
Les magistrats de première instance ont été critiqués en ce qu’ils n’ont pas voulu entendre les explications de la dirigeante syndicale qui a précisé que lorsque les manifestants chantent « dewo », cela signifie « hors du pouvoir économique » et non pas « hors de la Martinique ».
Il a été souligné, dans les conclusions d’appel, que l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui affirme le droit à la liberté d’expression, ne laisse guère de place pour les restrictions à cette liberté dans le domaine du discours politique.
Il a été relevé que la phrase incriminée fait désormais partie « des symboles de la lutte contre l’exploitation ». « Ghislaine JOACHIM-ARNAUD était invitée dans le cadre d’une émission politique pour s’exprimer en sa qualité de personnalité syndicale et politique, elle était donc parfaitement légitime à prononcer cette phrase symbolique faisant désormais partie du libre jeu du débat politique » (p. 10 des conclusions d’appel).
La Cour d’appel a accueilli les critiques formulées à l’encontre de la condamnation prononcée par les premiers juges et a relacé Ghislaine, après avoir considéré que « le texte écrit par la prévenue ne dépasse pas les limites du droit à la libre expression ».
Les juges d’appel ont relevé que le texte incriminé « incite à faire expulser du département de La Martinique avec violence (« foutre dehors »… « combat ») un groupe de personnes déterminées, les « békés », c’est-à-dire les créoles martiniquais qui descendent d’immigrés blancs et donc appartiennent à une race déterminée » et que « l’ensemble de la communauté des békés n’est cependant pas concernée, seule une « bande » de békés étant visée, à savoir celle réunissant les chefs des principales entreprises martiniquaises, les « patrons » -comme l’a précisé la prévenue aux audiences correctionnelles- qui sont tous des « profiteurs » et des « voleurs » » .
Ils en ont déduit que « le propos incriminé a eu principalement pour cible un groupe de personnes déterminé à raison de son statut social et de son activité professionnelle (une bande de patrons békés, profiteurs et voleurs) et que la volonté de la prévenue, secrétaire générale d’un important syndicat, était de stigmatiser une caste privilégiée en Martinique, quelle que soit sa race ».
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Fort-de-France n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Il est donc acquis que crier et écrire que nous allons « foutre dehors » les patrons relève de la liberté d’expression.
IL ne reste plus aux travailleurs de toutes les îles et de tous les continents qu’à s’emparer de ce propos pour le mettre à exécution.
Pascal MOUSSY
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Marie Laure DUFRESNE-CASTETS
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