Chronique ouvrière

PSA Aulnay : le stratagème concocté par la direction et les huissiers est déjoué. L’autorisation de licencier le délégué syndical CGT actif dans la grève est refusée !

samedi 2 mars 2013 par Pascal MOUSSY
Décision I.T. du 25 février 2013.pdf

Il résulte de l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 relative au statut des huissiers (modifié par l’article 2 de la loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010) que les huissiers de justice «  peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter » et que « sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire ».

Il a été précisé que lorsqu’un constat énonce des faits dont l’huissier se prétend victime, il n’a qu’une valeur d’indice, ne pouvant « valoir plus que la plainte de l’huissier lui-même ». Cette règle a été rappelée par la Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Caen, dans son jugement du 12 juin 2001, Thierry LEPAON (Dr. Ouv. 2002, 594) qui a souligné que «  l’article 1 bis A de l’ordonnance du 2/11/1945 sur les constats d’huissier qui interdit aux huissiers d’instrumenter à l’égard de leurs parents proches (à peine de nullité civile) implique a fortiori que les constatations de l’huissier ne peuvent porter sur sa propre situation quelle que soit le contexte ».

Dans cette affaire, lors de la liquidation de l’une des sociétés du premier groupe mondial de la pêche (Pescanova), les élues du comité d’entreprise avaient refusé de céder à la pression exercée par leur direction, à travers la présence d’un huissier, pour la tenue d’une réunion d’u comité d’entreprise. Elles avaient quitté la salle et s’étaient réfugiées dans les locaux syndicaux. Craignant une irruption intempestive de leur direction, elles avaient fait appel au représentant du comité régional de leur syndicat.

L’huissier, à qui commande avait été faite d’impressionner les salariées en vue de les obliger à tenir un comité d’entreprise dans des conditions illicites, n’avait pas exécuté la tâche pour laquelle il avait été payé et avait subi des reproches de la part de son client. Il devait trouver une cause extérieure pouvant justifier son inefficacité. Il avait donc inventé l’épisode de l’agression, mais sans trace de coups qu’il n’avait jamais reçus et avait imaginé de se servir de sa qualité d’officier ministériel pour se constituer une preuve. C’était dans ses conditions qu’il s’était fait constat à lui-même.

Mais l’acte ainsi fait sur mesure n’a pu qu’être jugé nul. « Traitant fort heureusement les huissiers en justiciables comme les autres, le Tribunal correctionnel leur a fait interdiction de faire leur l’adage « l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même » » (Marie-Laure DUFRESNE-CASTETS, note sous TGI Caen, 12 juin 2001, Dr. Ouv. 2002, 596).

Lors du mouvement de grève observé par les ouvriers de PSA Aulnay depuis le 16 janvier 2013 pour exprimer leur refus de la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois, Salah KELTOUMI, délégué syndical CGT, a fait l’objet d’un stratagème identique à celui mis en œuvre à l’encontre de Thierry LEPAON.

Le Directeur des relations sociales et humaines de la société PEUGEOT CITROEN AUTOMOBILES a demandé à l’Inspection du travail l’autorisation de procéder à son licenciement, lui reprochant d’avoir «  frappé violemment et à plusieurs reprises » un huissier de justice «  à coups de pied, de genoux et de poings ».

La société PCA a produit à l’appui de sa demande d’autorisation de licenciement un constat rédigé par l’huissier qui disait avoir été violemment frappé par plusieurs grévistes, dont Salah KELTOUMI.

L’Inspectrice du travail n’a pu que lire avec circonspection les accusations portées à l’encontre de Salah KELTOUMI dans le constat de l’huissier présenté comme victime.

Elle a relevé des contradictions manifestes entre les faits relatés dans le constat établis par l’huissier se plaignant avoir été frappé et ceux rapportés dans un autre constat, rédigé par un huissier associé à la prétendue victime.

Il est également apparu à l’Inspectrice du travail que la version présentée lors de l’entretien préalable différait de celle exposée par l’huissier plaignant.

L’enquête a par ailleurs révélé que l’huissier qui disait avoir subi une violente agression, allait, une heure plus tard, constater la bonne tenue du comité d’établissement.

Deux représentants de la Direction ont indiqué avoir été présents aux côtés de l’huissier mettant en cause Salah KELTOUMI et ils ont attesté avoir assisté à une agression. L’Inspectrice du travail a relevé que la version des faits proposée
par leurs témoignages ne correspondait pas à celle relatée dans le constat rédigé par l’huissier plaignant. Elle a également remarqué que, trois jours après les « incidents » rapportés, les responsables du personnel qui s’étaient plaints auprès d’elle du comportement des grévistes, n’avaient pas jugé utile de lui parler d’une agression envers un huissier, évènement pourtant qualifié ensuite par l’un d’entre eux, de « très grave »…
Huit salariés interrogés, présents lors des échanges intervenus entre les huissiers et plusieurs grévistes, dont Salah KELTOUMI, ont affirmé que celui-ci n’avait pas porté de coups sur l’huissier plaignant.

L’examen des éléments de preuve produits lors de l’enquête contradictoire a enfin conduit l’Inspectrice du travail à relever que Salah KELTOUMI figurait dans une liste de quatre salariés qui auraient « frappé à coups de pied, genoux et poings » l’huissier et que les huissiers ont déclaré qu’il ne leur était pas possible d’identifier précisément les coups portés par Salah KELTOUMI.

L’Inspectrice du travail a souligné qu’un des deux représentants de la Direction a dit ne pas avoir vu Salah KELTOUMI donné de coups et que si l’autre affirmait avoir vu Salah KELTOUMI porter un coup de poing dans le dos de l’huissier, ce témoignage ne concordait pas avec le grief de « coups violents et répétés » soulevé par l’employeur.

Il est ainsi ressorti de l’enquête contradictoire menée par l’Inspectrice du travail qu’il n’était pas établi que Salah KELTOUMI aurait « frappé violemment et à plusieurs reprises » un huissier « à coups de pied, de genoux et de poings » et que la gravité des faits survenus lors des échanges ayant lieu le 18 janvier 2013 entre Salah KELTOUMI et les huissiers « avait été exagérée a posteriori ».

L’Inspectrice du travail n’était pas sans ignorer le climat de provocations entretenu par la Direction du site PSA d’Aulnay depuis le début de la grève. Par son courrier du 5 février 2013, elle avait demandé à ce que celle-ci cesse de recourir, en infraction aux dispositions légales, aux services de « vigiles » employés par des sociétés privées de sécurité, appelés à la rescousse pour tenter d’intimider les grévistes.

C’est dès lors en toute logique que l’Inspectrice du travail, après avoir constaté que les reproches visant le délégué syndical CGT avaient été montés de toutes pièces, a considéré que «  la demande d’autorisation de licenciement est en lien avec son activité syndicale dans le cadre d’un mouvement de grève entamé le 16 janvier 2013 à l’initiative de la CGT ».


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